J’ai fui ma mère toxique… pour tomber dans un mariage sans amour : que feriez-vous à ma place ?
« Tu ne vaux rien, Mia ! Tu n’arriveras jamais à rien sans moi ! »
Les mots de ma mère résonnent encore dans ma tête, même des années après avoir claqué la porte de notre appartement à Lyon. Ce soir-là, j’avais vingt-trois ans, une valise à la main, le cœur battant à tout rompre. J’ai descendu les escaliers quatre à quatre, fuyant les cris, les reproches, les humiliations. Je me souviens de la pluie froide sur mon visage, du goût salé des larmes mêlées à l’eau, et de la peur qui me serrait la gorge. Je croyais que le pire était derrière moi.
Mais la liberté a un prix. Sans famille, sans soutien, j’ai vite compris que la vie à Paris n’était pas faite pour les âmes fragiles. J’ai enchaîné les petits boulots : serveuse dans un bistrot du 11e, vendeuse dans une boutique de vêtements à Châtelet, baby-sitter pour des familles qui semblaient sorties d’un magazine. Et puis il y a eu Julien.
Julien, c’était le collègue rassurant, le garçon bien sous tous rapports. Il m’a proposé un café après le travail, puis un dîner. Il écoutait mes histoires sans juger, il riait à mes blagues maladroites. Quand il m’a demandé de l’épouser au bout d’un an, j’ai dit oui. Pas parce que je l’aimais passionnément, mais parce qu’il représentait la stabilité, la sécurité. Une famille normale, enfin.
Le mariage civil à la mairie du 15e arrondissement fut simple. Ma mère n’était pas là – elle ne m’a jamais pardonné d’être partie. Julien avait invité ses parents, des gens discrets et polis. Je portais une robe blanche achetée en solde chez Monoprix. Je me souviens du sourire figé de Julien sur les photos, de sa main moite dans la mienne.
Au début, tout semblait aller bien. Nous avons emménagé dans un petit appartement près de la Porte de Versailles. Julien travaillait beaucoup ; moi aussi. Les soirs étaient silencieux, rythmés par le bruit du métro et les infos à la télé. On se parlait peu, on faisait l’amour par habitude, sans passion ni tendresse.
Un soir d’hiver, alors que je préparais des pâtes en silence, Julien est entré dans la cuisine :
— Tu pourrais faire un effort pour être plus joyeuse, non ?
J’ai senti une boule se former dans ma gorge. J’ai voulu lui dire que je faisais déjà tout mon possible pour survivre à mes souvenirs, que chaque jour était une lutte contre l’ombre de ma mère qui me murmurait que je ne méritais pas d’être heureuse. Mais les mots sont restés coincés.
— Je suis fatiguée, c’est tout.
Il a haussé les épaules et est reparti dans le salon.
Les mois ont passé. J’ai essayé de m’investir dans notre couple : j’ai proposé des sorties au cinéma, des week-ends à la campagne. Julien trouvait toujours une excuse : trop de travail, trop fatigué, pas envie. J’ai fini par abandonner.
Un dimanche matin, alors que je traînais en pyjama devant mon bol de café froid, j’ai reçu un message de ma mère : « Tu vois ? Sans moi tu n’es rien. » J’ai éclaté en sanglots. Julien est passé devant moi sans un mot.
C’est là que j’ai compris : j’avais fui une prison pour en retrouver une autre. Ma mère me contrôlait par la peur et la culpabilité ; Julien par l’indifférence et le silence. Je n’existais plus vraiment. J’étais devenue une ombre dans ma propre vie.
Un soir d’été, alors que Paris étouffait sous la canicule, j’ai croisé le regard d’une voisine sur le palier. Elle s’appelait Claire, elle avait mon âge et un sourire lumineux. Elle m’a invitée à prendre un verre chez elle. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai ri sans me forcer. Claire m’a parlé de ses rêves, de ses voyages en solo en Espagne et au Maroc, de ses galères aussi.
— Tu sais Mia, on n’a qu’une vie… Pourquoi tu restes avec lui si tu n’es pas heureuse ?
Je n’ai pas su quoi répondre. Par peur du vide ? Par habitude ? Par crainte de décevoir encore une fois ?
Cette question a tourné dans ma tête pendant des semaines. J’ai commencé à écrire dans un carnet : mes peurs, mes envies, mes souvenirs d’enfance – bons et mauvais. J’ai pris rendez-vous avec une psychologue du quartier. Elle m’a dit :
— Vous avez le droit d’exister pour vous-même, Mia.
Mais comment faire quand on n’a jamais appris à s’aimer ?
Un soir où Julien est rentré tard du travail – ou peut-être était-il simplement resté boire avec ses collègues pour éviter notre silence –, j’ai pris mon courage à deux mains.
— Julien… Est-ce que tu es heureux avec moi ?
Il a haussé les épaules :
— Je ne sais pas… On fait ce qu’on peut.
J’ai senti mon cœur se serrer. Ce « on fait ce qu’on peut » sonnait comme une condamnation à perpétuité.
Depuis quelques semaines, je dors mal. Je fais des cauchemars où je suis enfermée dans une pièce sans fenêtres ; parfois c’est ma mère qui crie derrière la porte, parfois c’est Julien qui tourne en rond sans me voir.
Je me demande si je dois partir encore une fois – mais partir pour aller où ? Est-ce que je mérite enfin d’être heureuse ? Ou suis-je condamnée à répéter les mêmes schémas toute ma vie ?
Et vous… Que feriez-vous à ma place ? Est-ce qu’on peut vraiment se reconstruire après avoir fui une famille toxique et un mariage sans amour ?