Mon Mari Refuse de Manger les Restes : Jusqu’où Dois-Je Aller pour Sauver Notre Couple ?
« Non, Élodie, je t’en prie, pas encore le gratin d’hier… »
La voix de Luc résonne dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre la poignée de la casserole, le cœur battant. Encore une fois, il refuse. Encore une fois, je me sens invisible, épuisée. J’ai passé la journée au travail, puis j’ai couru chercher les enfants à l’école, et maintenant… il faudrait que je cuisine un plat frais chaque soir ?
Je me tourne vers lui, tentant de masquer ma lassitude :
— Luc, tu sais bien que je n’ai pas eu le temps aujourd’hui… Ce gratin est encore très bon.
Il soupire, s’assoit à table sans me regarder. Les enfants, Camille et Théo, échangent un regard inquiet. Ils sentent la tension qui monte. Je me retiens de pleurer. Ce n’est pas la première fois que cette scène se joue dans notre appartement de Nantes. Depuis des mois, Luc refuse catégoriquement de manger des restes. Il veut du « frais », du « fait du jour ». Mais moi, je n’en peux plus.
Je repense à ma mère qui, elle aussi, jonglait entre boulot, maison et repas. Mais chez nous, on ne gaspillait rien. Les restes étaient une bénédiction, pas une punition. Pourquoi Luc ne comprend-il pas ?
Après le dîner — ou plutôt après que Luc ait picoré du pain et du fromage en boudant mon gratin — je m’effondre sur le canapé. Camille s’approche doucement :
— Maman, pourquoi papa ne veut jamais manger ce que tu fais ?
Sa question me transperce. Comment lui expliquer que ce n’est pas moi le problème ? Que c’est une histoire d’habitude, de principe peut-être ?
Le lendemain matin, je me lève plus tôt pour préparer un plat « tout neuf » : un poulet basquaise. J’espère qu’au moins ce soir il dira merci. Mais le soir venu, alors que je sers le plat fumant, Luc fronce les sourcils :
— Tu as mis des poivrons ? Tu sais bien que je n’aime pas ça…
Je sens la colère monter. J’ai envie de tout envoyer valser. Mais je ravale mes larmes devant les enfants.
Les jours passent et la situation empire. Je n’ai plus envie de rentrer à la maison. Je traîne au supermarché, j’invente des excuses pour rentrer plus tard. Un soir, alors que je rentre épuisée, Luc m’attend dans la cuisine :
— Tu sais Élodie, ma mère cuisinait toujours frais pour mon père. C’est comme ça que j’ai grandi.
Je le regarde, abasourdie :
— Et moi ? Tu crois que j’ai grandi comment ? Chez nous, on respectait la nourriture… et ceux qui la préparaient !
Il détourne les yeux. Je sens qu’il ne comprend pas. Ou qu’il ne veut pas comprendre.
Un samedi matin, alors que les enfants sont chez leurs grands-parents, j’ose enfin parler à ma sœur au téléphone :
— Je n’en peux plus, Claire. J’ai l’impression d’être une servante…
Elle soupire :
— Tu dois lui parler franchement. Ce n’est pas normal qu’il t’impose ça tous les jours.
Mais comment faire quand chaque discussion tourne au reproche ? Quand chaque tentative de compromis finit en dispute ?
Un soir, à bout de forces, je pose mon tablier sur la table :
— Luc, ce soir c’est toi qui cuisines. Je n’en peux plus.
Il me regarde comme si je venais de lui annoncer la fin du monde.
— Mais… je ne sais pas quoi faire !
— Eh bien tu apprendras ! Moi aussi j’ai appris !
Il tente maladroitement de préparer des pâtes. Les enfants rient doucement devant ses gestes hésitants. Pour la première fois depuis longtemps, l’ambiance est légère.
Le lendemain, il propose timidement :
— On pourrait cuisiner ensemble ce week-end ?
J’accepte avec un mélange d’espoir et de prudence. Peut-être qu’il commence à comprendre… Peut-être qu’il réalise enfin que la cuisine n’est pas qu’une affaire de goût ou d’habitude, mais aussi de respect et de partage.
Mais au fond de moi subsiste une question lancinante : combien de temps pourrai-je encore tenir si rien ne change vraiment ? Est-ce à moi seule de porter ce fardeau quotidien ?
Et vous… jusqu’où seriez-vous prêts à aller pour préserver l’équilibre dans votre couple face à ce genre de petites — mais si grandes — batailles du quotidien ?