Mon fils m’a demandé de l’argent, mais j’ai refusé : le dilemme d’une mère à l’aube de la retraite
« Maman, j’ai vraiment besoin de ton aide… »
La voix de Julien tremblait dans l’entrée. Il n’avait même pas pris le temps d’enlever ses baskets, traînant derrière lui une odeur de pluie et de métro. Mon cœur s’est serré. Je savais pourquoi il venait. Depuis quelques semaines, il multipliait les messages, les appels manqués, les silences lourds. Mon mari, Bernard, lisait son journal dans le salon, feignant de ne rien entendre.
Je me suis avancée vers Julien, tentant un sourire. « Qu’est-ce qu’il se passe ? »
Il a baissé les yeux. « J’ai des dettes, maman. J’ai fait une bêtise… J’ai besoin de 3 000 euros. »
Le silence s’est abattu dans l’appartement. Notre grand appartement haussmannien, témoin de quarante ans de vie commune, semblait soudain trop vaste, trop froid. J’ai jeté un regard vers la cuisine où notre chat, Moustache, dormait en boule sur la chaise. Bernard a tourné une page de son journal avec un soupir exagéré.
« Julien… » Ma voix s’est brisée. « Tu sais que ton père et moi… On va bientôt partir à la retraite. On doit faire attention à nos économies. »
Il a relevé la tête, les yeux brillants d’incompréhension et de colère. « Tu préfères garder ton argent pour des vacances ou pour ce chat plutôt que d’aider ton propre fils ? »
J’ai senti la gifle invisible. J’aurais voulu le prendre dans mes bras, lui dire que tout allait s’arranger comme quand il était petit et qu’il tombait dans la cour de récréation. Mais il n’était plus ce petit garçon ; il était un homme perdu dans ses propres erreurs.
Bernard est intervenu, sa voix grave résonnant dans la pièce : « Julien, tu dois apprendre à te débrouiller. On ne sera pas toujours là pour te sortir d’affaire. »
Julien a éclaté : « Vous n’avez jamais été là ! Toujours occupés par vos disputes, vos problèmes ! Maintenant que j’ai besoin de vous, vous me tournez le dos ! »
Je me suis sentie coupable, envahie par le souvenir de nos années difficiles. Les cris, les portes qui claquent, les menaces de divorce… Nous avions failli tout perdre. Mais nous avions tenu bon, pour lui, pour nous. Aujourd’hui, alors que la paix semblait enfin revenue dans notre couple, voilà que la tempête reprenait.
Julien a quitté l’appartement en claquant la porte. Le silence qui a suivi était assourdissant.
Je me suis assise à la table de la cuisine, les mains tremblantes autour d’une tasse de thé froid. Bernard est venu s’asseoir en face de moi.
« Tu crois qu’on a bien fait ? » ai-je murmuré.
Il a haussé les épaules : « On ne peut pas toujours tout sacrifier pour lui. On a aussi le droit de penser à nous. »
Mais la nuit suivante, je n’ai pas trouvé le sommeil. Les souvenirs défilaient : les anniversaires oubliés parce que nous étions trop occupés à nous disputer ; les vacances annulées faute d’argent ; les Noëls silencieux où chacun faisait semblant d’être heureux.
Le lendemain matin, j’ai trouvé une lettre sur la table du salon. L’écriture tremblante de Julien :
« Je comprends que vous ne puissiez pas m’aider. Mais j’aurais aimé au moins un peu de soutien moral. Je me sens seul. »
J’ai pleuré en silence. Bernard m’a prise dans ses bras, maladroitement.
Les jours ont passé. Julien ne donnait plus de nouvelles. Je guettais son nom sur mon téléphone, je sursautais à chaque bruit dans l’immeuble.
Un soir, alors que je nourrissais Moustache, j’ai croisé le regard inquiet de Bernard.
« Peut-être qu’on devrait lui proposer de venir dîner… Juste pour parler », a-t-il suggéré.
J’ai hoché la tête. Mais au fond de moi, je savais que rien ne serait plus jamais comme avant.
La retraite approche à grands pas. Nous avons travaillé toute notre vie pour ce moment de tranquillité. Mais comment profiter du repos quand le cœur est lourd ?
Je me demande : ai-je eu raison de refuser ? Peut-on vraiment tourner la page sur le passé et penser seulement à soi ? Ou bien sommes-nous condamnés à porter éternellement le poids de nos choix parentaux ? Qu’en pensez-vous ?