Ce que j’ai découvert dans le dossier secret de ma fille : une mère face à l’inattendu
« Maman, tu ne devrais pas fouiller dans mes affaires ! » La voix de Camille résonne encore dans ma tête, pleine de reproches et de colère. Mais ce jour-là, elle n’était pas là. Ce jour-là, il pleuvait sur Nantes, et j’avais décidé de faire du tri dans la cave. C’est là que j’ai retrouvé son vieux ordinateur portable, celui qu’elle utilisait au lycée, avant de partir à la fac à Rennes. Je l’ai remonté, essuyé la poussière, et, prise d’une étrange nostalgie, je l’ai allumé.
Je ne cherchais rien de précis. Peut-être des photos de vacances à l’Île d’Yeu, ou ces vidéos idiotes qu’elle tournait avec ses copines. Mais sur le bureau, un dossier a attiré mon regard : « À ne pas montrer à maman ». J’ai hésité. Longtemps. Puis j’ai cliqué.
Le cœur battant, j’ai ouvert le dossier. D’abord, des photos : Camille, souriante, entourée de ses amis. Rien d’alarmant. Puis des textes. Des pages et des pages de journal intime, des poèmes sombres, des lettres jamais envoyées. J’ai lu. J’aurais peut-être dû m’arrêter là. Mais je n’ai pas pu.
« Je me sens seule même entourée. Maman ne me comprend pas. Elle veut que je sois parfaite, mais je n’y arrive plus… »
Ces mots m’ont frappée comme une gifle. Je croyais être une mère attentive, présente malgré mon travail à l’hôpital. Mais là, noir sur blanc, la détresse de ma fille me sautait au visage. J’ai continué à lire, les mains tremblantes.
Dans une vidéo enregistrée en pleine nuit, Camille parle à la caméra :
— Je voudrais juste qu’elle me voie vraiment… Pas seulement mes notes ou mon sourire forcé.
J’ai senti les larmes monter. Comment ai-je pu passer à côté ?
Plus loin, un échange de mails avec une certaine Léa. Elles parlent d’un garçon qui harcèle Camille au lycée. Je n’en savais rien. Elle n’a jamais rien dit. Pourquoi ?
Le lendemain, j’ai attendu Camille dans la cuisine. Quand elle est rentrée du train, fatiguée mais souriante, j’ai voulu lui parler tout de suite. Mais les mots sont restés coincés dans ma gorge.
— Tu veux un thé ?
— Oui… Tu vas bien maman ?
J’ai hoché la tête, incapable d’avouer ce que j’avais fait. Toute la soirée, je l’ai observée différemment. Derrière ses blagues et son air détaché, je voyais maintenant la jeune fille fragile qu’elle avait été — et peut-être qu’elle était encore.
Les jours suivants ont été un supplice. Je voulais lui dire que je savais tout, que j’étais désolée de ne pas avoir vu sa souffrance. Mais comment avouer que j’avais violé sa vie privée ?
Un soir, alors qu’on dînait toutes les deux — son père était en déplacement — j’ai craqué.
— Camille… Tu sais que tu peux tout me dire ?
— Pourquoi tu me dis ça ?
— Je sais que parfois tu as dû te sentir seule…
Elle m’a regardée longuement.
— Maman… Qu’est-ce que tu as fait ?
J’ai baissé les yeux.
— J’ai ouvert ton vieux portable… J’ai lu ce que tu avais écrit.
Un silence glacial s’est installé.
— Tu n’avais pas le droit !
— Je sais… Je suis désolée. Mais je voulais comprendre… Je voulais t’aider.
Elle s’est levée brusquement, les larmes aux yeux.
— Tu veux m’aider maintenant ? Il fallait le faire avant ! Quand je t’appelais et que tu disais toujours « je suis de garde », ou « on en parle plus tard ». Tu ne m’as jamais vraiment écoutée !
J’ai voulu la prendre dans mes bras mais elle m’a repoussée.
— Tu n’as rien compris…
Elle est montée dans sa chambre en claquant la porte. J’ai passé la nuit à pleurer sur le canapé.
Le lendemain matin, elle est descendue, les yeux gonflés mais déterminée.
— Maman… On doit parler. Je t’en veux d’avoir lu mes affaires. Mais peut-être que c’est mieux comme ça… Parce que moi non plus je ne savais pas comment te dire tout ça.
On a parlé pendant des heures. De ses angoisses, du harcèlement au lycée, de cette impression d’être transparente à mes yeux. J’ai écouté sans interrompre, sans juger.
Depuis ce jour-là, notre relation a changé. On se parle plus franchement, même si tout n’est pas parfait. J’essaie d’être là vraiment — pas seulement physiquement mais avec le cœur.
Mais parfois je me demande : ai-je eu raison d’ouvrir ce dossier ? Est-ce qu’on peut réparer la confiance brisée ? Et vous… auriez-vous fait comme moi ?