Mon fils a choisi sa femme… et moi, je me sens abandonnée : mon cri du cœur de mère
« Tu exagères, maman ! Camille n’a rien fait de mal. »
La voix de Thomas résonne encore dans ma tête, froide et tranchante. Je suis restée là, debout dans la cuisine, les mains tremblantes autour de ma tasse de thé, incapable de répondre. C’était dimanche dernier, le déjeuner familial que j’attendais tant. Mais depuis que Camille est entrée dans nos vies, rien n’est plus pareil.
Je m’appelle Mireille. J’ai 62 ans, veuve depuis cinq ans. Mon fils unique, Thomas, était tout pour moi. Nous avions une complicité rare, des rituels du dimanche matin au marché de Saint-Germain, nos soirées à refaire le monde devant un bon gratin dauphinois… Mais tout a changé le jour où il a rencontré Camille.
Camille… Je ne peux pas dire qu’elle soit méchante. Elle est polie, souriante, mais il y a toujours cette distance. Elle ne partage pas nos traditions, elle ne comprend pas l’importance de certains gestes. La première fois qu’elle est venue dîner à la maison, elle a refusé le fromage – « Je ne digère pas le lait », a-t-elle dit en riant. J’ai souri aussi, mais au fond de moi, j’ai senti une barrière invisible se dresser.
Au début, j’ai essayé de m’adapter. J’ai même appris à cuisiner végétarien pour elle ! Mais plus les mois passaient, plus Thomas semblait s’éloigner. Il passait moins de temps avec moi, annulait nos rendez-vous pour des « imprévus » avec Camille. Et puis il y a eu cette dispute…
C’était l’anniversaire de Thomas. J’avais préparé son plat préféré : blanquette de veau. Camille a fait la moue en voyant la viande sur la table. « On aurait pu faire un plat sans viande… » Thomas a pris sa défense immédiatement : « Maman, tu sais que Camille ne mange pas ça ! » J’ai senti mes joues brûler de honte et de colère. Pour la première fois, j’ai eu l’impression d’être une étrangère dans ma propre maison.
Depuis ce jour-là, tout est devenu sujet à tension. Les invitations à dîner sont devenues rares. Quand ils viennent, Camille reste scotchée à son téléphone ou parle de ses collègues parisiens que je ne connais pas. Thomas rit à ses blagues, me regarde à peine.
Un soir d’hiver, alors que la pluie battait les carreaux, j’ai craqué. J’ai appelé Thomas :
— Tu pourrais venir dîner ce week-end ? Juste toi et moi…
Il y a eu un silence gênant.
— Maman… Camille se sentirait exclue si je venais sans elle.
J’ai raccroché en prétextant une migraine. J’ai pleuré toute la nuit.
Je me suis remise en question mille fois. Suis-je trop possessive ? Trop exigeante ? Est-ce mal d’espérer garder une place dans la vie de son enfant ?
Ma sœur Françoise me dit que c’est normal : « Les enfants font leur vie, Mireille. Il faut accepter de lâcher prise. » Mais comment accepter quand on se sent effacée ?
Le pire est arrivé lors du Noël dernier. J’avais décoré la maison comme chaque année, préparé des sablés selon la recette de ma mère. Camille est arrivée avec un air fatigué : « On ne va pas rester tard, on a une soirée chez des amis après… » Thomas n’a rien dit. J’ai senti mon cœur se serrer.
Au moment d’ouvrir les cadeaux, j’ai offert à Camille un foulard en soie – choisi avec soin – et à Thomas un album photo retraçant son enfance. Il l’a feuilleté distraitement avant de le poser sur la table.
Après leur départ précipité, je suis restée seule devant le sapin éteint.
Depuis ce soir-là, je n’ose plus appeler Thomas sans raison valable. Je crains d’être un poids pour lui. Je me réfugie dans mes souvenirs : ses premiers pas dans le jardin familial à Tours, ses rires d’enfant quand il courait après les poules chez sa grand-mère…
Mais aujourd’hui, je me sens invisible.
Hier encore, j’ai croisé Madame Dupuis au marché : « Alors Mireille, tu vois souvent ton fils ? » J’ai menti : « Oui oui, il passe dès qu’il peut… » Mais la vérité me ronge.
Je sais que Camille n’est pas responsable de tout. Peut-être que Thomas a simplement grandi et qu’il construit sa propre famille. Mais pourquoi ai-je l’impression qu’il faut choisir ? Pourquoi ai-je perdu ma place ?
Parfois je rêve qu’il m’appelle juste pour me dire : « Maman, tu me manques. » Mais ce coup de fil n’arrive jamais.
Ce soir encore je regarde mon téléphone en espérant voir son nom s’afficher.
Est-ce cela, être mère en France aujourd’hui ? Doit-on accepter de disparaître doucement du cœur de ceux qu’on aime le plus ?
Et vous… avez-vous déjà ressenti cette douleur silencieuse ? Comment avez-vous surmonté ce sentiment d’abandon ?