Ma fille m’a reproché notre cadeau de mariage… alors que nous avons tout payé pour elle
« Tu te moques de moi, maman ? » La voix de Camille résonne encore dans ma tête, tranchante comme un couteau. Nous étions dans la cuisine, les restes du gâteau de mariage encore sur la table, et elle tenait dans sa main l’enveloppe que nous venions de lui offrir.
Je me suis figée. Son père, François, a baissé les yeux. J’ai senti la colère monter, mais aussi une tristesse immense. « Camille, tu sais très bien ce que ce mariage nous a coûté… »
Elle a haussé les épaules, les yeux brillants d’une déception que je n’avais pas vue venir. « Tous mes amis ont reçu des chèques bien plus gros de leurs parents. Vous, vous m’offrez à peine de quoi acheter un grille-pain. »
Je me suis sentie trahie. Avait-elle oublié les mois passés à organiser chaque détail ? Les nuits blanches à comparer les devis du traiteur, à négocier avec le fleuriste pour qu’il accepte de faire des pivoines hors saison parce qu’elle en rêvait depuis petite ?
François a tenté d’intervenir : « Camille, on a tout payé… La salle, le repas, la robe… Même la voiture ancienne pour t’emmener à l’église ! »
Mais elle n’a rien voulu entendre. « Ce n’est pas une raison pour être aussi radins ! »
Je me suis levée brusquement, la chaise raclant le carrelage. « Radins ? Tu sais combien tout ça nous a coûté ? On a vidé notre livret A pour toi ! »
Elle a éclaté en sanglots. « Mais c’est mon mariage ! C’est normal que vous participiez ! »
J’ai eu envie de hurler. De lui rappeler que son fiancé, Julien, n’avait payé que les alliances, et que ses parents à lui s’étaient contentés d’un bouquet de fleurs et d’un sourire gêné. Que nous avions tout pris en charge parce qu’elle voulait un mariage digne d’un conte de fées.
Mais je me suis tue. Je l’ai regardée pleurer, et j’ai senti un gouffre s’ouvrir entre nous.
Le lendemain matin, la maison était silencieuse. François est parti travailler sans un mot. J’ai erré dans le salon, ramassant les confettis oubliés, les verres à moitié pleins. Je repensais à chaque euro dépensé : la salle du château près d’Angers, le traiteur étoilé, le DJ venu de Paris parce qu’elle voulait absolument « l’ambiance parfaite ». Les 120 invités logés à l’hôtel parce qu’aucun ne devait repartir en voiture.
Je me suis assise sur le canapé, épuisée. Avions-nous mal fait ? Aurions-nous dû donner moins pour la fête et plus dans l’enveloppe ? Mais comment expliquer à Camille que l’argent ne tombe pas du ciel ? Que nous avions fait tout cela par amour, pas par obligation ?
Le téléphone a sonné. C’était ma sœur, Hélène. Elle avait entendu parler de la dispute par une cousine présente au mariage.
« Tu sais, Marie, les jeunes aujourd’hui… ils ne voient pas toujours les choses comme nous. Pour eux, c’est normal que les parents paient tout ET donnent un gros chèque. »
J’ai eu envie de pleurer. « Mais on ne peut pas tout faire ! On n’est pas riches… »
Hélène a soupiré : « Peut-être qu’il faut lui expliquer calmement. Elle finira par comprendre… »
Mais Camille ne répondait plus à mes messages. Elle est partie en voyage de noces sans un mot.
Les jours ont passé. François et moi avons repris notre routine, mais quelque chose s’était brisé. Je me suis surprise à éviter les photos du mariage sur la commode. À chaque fois que je croisais une amie qui me demandait « Alors, comment ça s’est passé ? », je répondais vaguement : « Oh, tu sais… beaucoup d’émotions… »
Un soir, alors que je rangeais la chambre de Camille – son ancienne chambre d’enfant – j’ai trouvé un vieux carnet où elle avait écrit ses rêves de petite fille : « Pour mon mariage, je veux des pivoines partout et danser jusqu’au matin avec papa et maman. »
J’ai fondu en larmes.
Quelques semaines plus tard, Camille est revenue nous voir. Elle avait l’air fatiguée, mais moins en colère.
« Maman… Papa… Je crois que j’ai été injuste avec vous. »
François s’est approché d’elle et l’a prise dans ses bras sans un mot.
Elle a continué : « Sur le moment, j’étais déçue… Je ne voyais que ce que je n’avais pas eu. Mais Julien m’a fait remarquer que sans vous, on n’aurait jamais pu avoir ce mariage-là. Je suis désolée… »
J’ai senti mon cœur se desserrer un peu.
Nous avons parlé longtemps ce soir-là. De l’argent, des attentes, des sacrifices invisibles des parents pour leurs enfants.
Mais au fond de moi, une blessure restait ouverte : pourquoi faut-il toujours que l’amour se mesure en euros ? Pourquoi nos enfants oublient-ils si vite tout ce qu’on fait pour eux ?
Et vous, pensez-vous qu’on doit tout donner à ses enfants… même au prix de notre propre bonheur ?