Ma belle-mère préfère mon neveu à ma fille : comment survivre à l’injustice familiale ?
« Pourquoi mamie donne toujours les plus beaux cadeaux à Paul et jamais à moi ? »
La voix de Camille, ma fille de huit ans, tremble dans le couloir. Je serre les dents, la main crispée sur la poignée de la porte du salon. Encore une fois, le Noël chez ma belle-mère tourne au supplice. Paul, le fils de ma belle-sœur, brandit fièrement sa nouvelle console de jeux, tandis que Camille n’a reçu qu’un livre de coloriage. Mon cœur se serre en voyant ses yeux embués de larmes qu’elle tente de cacher derrière un sourire forcé.
Je m’appelle Claire, j’ai trente-sept ans, et depuis dix ans, je vis dans l’ombre d’une tradition familiale qui me ronge : celle du favoritisme de ma belle-mère, Monique. Depuis la naissance de Paul, elle n’a d’yeux que pour lui. Elle le couvre de cadeaux, d’attention, de compliments. Camille, elle, n’est que « la fille de Claire », jamais « ma petite-fille ». Et chaque fête, chaque anniversaire, chaque dimanche en famille est une épreuve pour moi.
« Tu exagères, Claire. Maman aime tous ses petits-enfants pareil », me répète mon mari, François, chaque fois que j’ose aborder le sujet. Mais il détourne le regard, mal à l’aise. Lui aussi a grandi sous le joug de sa mère autoritaire, qui décide de tout : les menus du dimanche, les vacances d’été, même la couleur des rideaux dans notre salon.
Ce soir-là, après le dîner, je retrouve Camille recroquevillée sur son lit. Je m’assieds près d’elle et caresse ses cheveux blonds. « Tu sais, mamie… elle ne se rend pas compte… » Mais je sens que mes mots sonnent creux. Comment expliquer à une enfant que l’injustice fait parfois partie de la famille ?
Quelques jours plus tard, c’est l’anniversaire de Paul. Toute la famille est réunie dans la maison bourgeoise de Monique à Tours. Les rires fusent autour du gâteau au chocolat. Monique s’extasie devant Paul : « Quel garçon intelligent ! Tu seras médecin comme ton père ! » Camille baisse les yeux sur sa part de gâteau. Personne ne lui demande comment s’est passée sa rentrée.
Le soir venu, je confronte François dans la cuisine. « Tu ne vois donc pas ce que ça fait à Camille ? Elle se sent invisible ! » Il soupire : « C’est comme ça chez nous… Maman a toujours eu ses préférences. On ne va pas refaire le monde pour ça. »
Mais moi, je refuse d’accepter cette fatalité. Je repense à mon propre père qui me répétait : « Dans la vie, il faut se battre pour ceux qu’on aime. » Alors j’écris une lettre à Monique. Je pèse chaque mot : « Je vous demande simplement d’accorder un peu plus d’attention à Camille… Elle souffre de cette différence… »
La réponse ne tarde pas : un appel sec, glacial. « Claire, tu te fais des idées ! Paul est plus proche de moi parce qu’il vient plus souvent me voir. Si Camille veut plus de cadeaux, qu’elle vienne plus souvent aussi ! »
Je raccroche en tremblant de colère et d’impuissance. Comment expliquer à Monique que l’amour ne se marchande pas ? Que la tendresse ne se mérite pas par des visites ou des sourires forcés ?
Les semaines passent. Camille s’enferme dans le silence. À l’école, sa maîtresse m’appelle : « Elle semble triste ces derniers temps… Elle dit qu’elle n’est pas aussi bien que son cousin… » Mon cœur se brise un peu plus.
Un dimanche matin, alors que François lit le journal au salon, je prends une décision. « On n’ira plus chez ta mère tant qu’elle ne changera pas d’attitude envers Camille. » Il relève la tête, abasourdi : « Tu veux couper les ponts ? Pour si peu ? »
« Pour si peu ? Tu trouves ça normal que ta fille se sente inférieure dans sa propre famille ? Tu trouves ça normal qu’elle pleure chaque fois qu’on rentre de chez ta mère ? »
Le ton monte. Les mots dépassent la pensée. François claque la porte et part faire un tour en voiture.
Les jours suivants sont tendus. Monique appelle sans cesse pour savoir pourquoi nous boudons les repas familiaux. François hésite entre deux loyautés : sa mère ou sa fille.
Un soir, alors que je borde Camille, elle me demande : « Maman, pourquoi mamie ne m’aime pas comme Paul ? Qu’est-ce que j’ai fait ? » Je sens les larmes monter mais je me retiens. « Tu n’as rien fait de mal, ma chérie… Parfois les adultes font des erreurs qu’ils ne veulent pas voir… Mais moi je t’aime très fort et je serai toujours là pour toi. »
Je décide alors d’emmener Camille passer un week-end chez mes parents en Bretagne. Là-bas, elle retrouve le sourire auprès de ses grands-parents maternels qui l’accueillent à bras ouverts. Elle rit, elle court sur la plage, elle oublie un instant cette injustice qui la ronge.
À notre retour, François m’attend dans la cuisine. Il a les traits tirés. « J’ai parlé à maman… Je lui ai dit qu’on ne viendrait plus tant qu’elle ne ferait pas un effort avec Camille… Elle a pleuré… Mais peut-être qu’il fallait ça pour qu’elle comprenne… »
Quelques semaines plus tard, Monique invite Camille à passer un après-midi seule avec elle. J’accepte avec appréhension. À son retour, Camille me tend un dessin : elle et sa grand-mère main dans la main sous un grand soleil.
Ce n’est pas parfait. Ce ne sera jamais parfait. Mais c’est un début.
Aujourd’hui encore, je me demande : combien d’enfants grandissent dans l’ombre d’un favoritisme injuste ? Combien de familles se taisent par peur du conflit ? Et vous… jusqu’où seriez-vous prêts à aller pour protéger vos enfants contre l’injustice familiale ?
