Ma belle-fille veut que j’échange mon appartement… et maintenant mon fils ne me parle plus

« Tu ne penses qu’à toi, comme d’habitude ! » La voix de Camille résonne encore dans ma tête, tranchante comme une lame. J’étais assise dans mon salon, les mains crispées sur la nappe en coton bleu, quand elle a claqué la porte derrière elle. Mon fils Julien, debout à côté d’elle, n’a même pas osé croiser mon regard.

Tout a commencé il y a deux mois. Camille et Julien vivent dans un petit deux-pièces à Montreuil, au quatrième étage sans ascenseur. Moi, veuve depuis cinq ans, j’occupe un trois-pièces lumineux à Vincennes, au rez-de-chaussée, avec un petit jardin où je cultive mes rosiers. Camille est tombée enceinte de leur deuxième enfant, et soudain, l’idée a germé : pourquoi ne pas échanger nos appartements ?

Au début, j’ai cru à une plaisanterie. Mais Camille était sérieuse. « Tu n’as plus besoin de tout cet espace, et nous, on étouffe ! » m’a-t-elle lancé un dimanche midi, alors que je servais le gratin dauphinois. Julien gardait les yeux baissés sur son assiette. J’ai tenté de plaisanter : « Je ne suis pas encore prête à finir dans une chambre de bonne ! » Mais Camille n’a pas ri.

Les semaines suivantes ont été un calvaire. Camille multipliait les allusions : « C’est dommage que Paul (mon petit-fils) ne puisse pas jouer dans un jardin… » ou « On ne peut même pas installer un vrai lit pour le bébé… » J’ai essayé de lui expliquer que ce logement, c’était tout ce qui me restait de ma vie avec Henri. Que chaque pièce avait une histoire, chaque meuble un souvenir.

Un soir, Julien m’a appelée. Sa voix était tendue : « Maman, tu pourrais faire un effort… On est ta famille aussi. » J’ai senti les larmes monter. « Je vous aime plus que tout, mais je ne peux pas… Je ne veux pas quitter cet endroit. » Silence. Puis il a raccroché.

Depuis, c’est le froid glacial. Plus de visites le dimanche. Plus de coups de fil. Même Paul ne vient plus jouer dans le jardin. J’ai tenté d’appeler Julien plusieurs fois ; il ne répond pas. Camille m’a bloquée sur WhatsApp.

Je me suis surprise à errer dans l’appartement, à caresser les cadres accrochés au mur : la photo de notre mariage à Henri et moi, le dessin que Julien avait fait à l’école primaire… Je me suis sentie coupable, égoïste même. Peut-être que je devrais leur céder la place ? Mais pourquoi devrais-je sacrifier mes souvenirs pour leur confort ?

Un soir, ma voisine Françoise est passée prendre le thé. Je lui ai tout raconté. Elle a haussé les épaules : « Les jeunes aujourd’hui veulent tout tout de suite… Mais tu as le droit de penser à toi aussi ! »

Mais comment penser à moi quand mon fils me tourne le dos ? Quand la famille que j’ai tant chérie se fissure à cause de quatre murs et d’un bout de jardin ?

La semaine dernière, j’ai croisé Julien par hasard devant la boulangerie. Il avait l’air fatigué, les traits tirés. J’ai tenté un sourire : « Tu vas bien ? » Il a marmonné un « Oui » sans me regarder et s’est éloigné.

Le soir même, j’ai reçu un message de Camille : « Tu as brisé cette famille par ton égoïsme. Ne t’étonne pas si on s’éloigne encore plus. » J’ai relu ces mots des dizaines de fois, le cœur serré.

Je me demande si j’aurais dû céder. Si l’amour d’une mère passe par le sacrifice total de soi-même. Mais je me demande aussi pourquoi on ne peut pas simplement se parler sans chantage affectif. Pourquoi faut-il toujours choisir entre soi et les autres ?

Je passe mes journées à attendre un signe de Julien, à espérer que Paul viendra sonner à ma porte pour réclamer un goûter ou courir après les papillons dans le jardin.

Est-ce vraiment ça, être mère en France aujourd’hui ? Devoir tout donner jusqu’à s’effacer ? Ou ai-je le droit de garder une part de bonheur pour moi ?

Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?