Ma belle-fille veut que je vende mon appartement pour financer leur maison : mon cœur de mère est déchiré
« Tu pourrais vendre ton appartement, non ? Comme ça, on pourrait enfin acheter la maison de nos rêves… »
La voix de Camille résonne encore dans ma tête, tranchante, presque innocente. C’était un dimanche comme les autres, ou du moins je le croyais. Nous étions tous réunis autour du gigot que j’avais préparé avec amour. Mon fils, Julien, semblait gêné, les yeux rivés sur son assiette. Camille, elle, affichait ce sourire déterminé qui ne laisse pas place au doute.
Je me suis sentie prise au piège. Mon appartement, c’est tout ce qu’il me reste depuis la mort de mon mari, François. Nous l’avions acheté ensemble il y a trente ans, dans ce quartier du 14ème arrondissement de Paris où chaque pierre me rappelle un souvenir. Vendre ? Pour eux ?
« Maman, tu sais qu’on galère avec le crédit… » a murmuré Julien, sans vraiment oser me regarder. J’ai senti mon cœur se serrer. Bien sûr que je sais. Je vois bien qu’ils peinent à joindre les deux bouts avec deux enfants en bas âge et des salaires qui ne suivent pas le coût de la vie parisienne. Mais est-ce à moi de sacrifier le dernier pan de ma vie ?
Camille n’a pas attendu ma réponse. Elle a continué, implacable : « Tu pourrais venir vivre chez nous, tu ne serais plus seule… Et puis, tu pourrais profiter des petits tous les jours ! »
Je n’ai rien dit. J’ai regardé la nappe blanche tachée de vin rouge, comme si elle pouvait m’offrir une échappatoire. Les souvenirs ont défilé : les Noëls passés ici, les rires de François, les anniversaires de Julien… Tout cela allait disparaître ?
Le soir même, j’ai appelé ma sœur, Hélène. « Tu ne peux pas faire ça, Marie ! » s’est-elle écriée. « Cet appartement, c’est ta vie ! Et puis, tu sais très bien comment ça se passe : une fois chez eux, tu ne seras plus chez toi nulle part… »
Elle avait raison. Mais comment refuser sans briser le cœur de mon fils ?
Les jours ont passé. Camille m’a envoyé des liens d’annonces immobilières, des calculs savants sur ce que je pourrais leur apporter. Julien m’a appelée plus souvent que d’habitude, toujours avec cette voix douce qui cherche à amadouer.
Un soir, alors que je rentrais des courses, j’ai croisé Mme Dupuis sur le palier. Elle a tout de suite vu que quelque chose n’allait pas.
— Marie, tu es toute pâle !
— Oh, c’est rien… Des histoires de famille.
— Ah, les enfants… Ils oublient parfois qu’on a aussi besoin d’un chez-nous.
Ses mots m’ont frappée en plein cœur. Ai-je le droit de penser à moi ? Ou suis-je égoïste si je refuse d’aider mon fils ?
La tension est montée d’un cran lors du déjeuner suivant. Camille a posé la question devant tout le monde :
— Alors Marie, tu as réfléchi ? On doit donner une réponse à l’agence avant la fin du mois.
Julien a baissé les yeux. Les petits jouaient dans le salon sans se douter du drame qui se jouait à quelques mètres d’eux.
— Je… Je ne sais pas encore, ai-je balbutié.
Camille a soupiré bruyamment.
— Franchement, on ne te demande pas grand-chose ! Tu serais tellement mieux avec nous qu’ici toute seule…
J’ai senti la colère monter. Toute ma vie, j’ai tout donné pour Julien. J’ai travaillé dur pour qu’il fasse des études, pour qu’il ait une vie meilleure que la mienne. Et maintenant ? On me demande de renoncer à mon intimité, à mes souvenirs… pour quoi ? Pour un rêve immobilier ?
Le soir même, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. J’ai repensé à François : qu’aurait-il fait à ma place ? Lui aussi aurait voulu aider Julien… Mais à quel prix ?
J’ai décidé d’en parler à mon médecin traitant, le Dr Lefèvre. Il m’a écoutée longuement.
— Marie, vous avez le droit de penser à vous. Ce n’est pas parce que vous êtes mère que vous devez tout sacrifier.
Ses mots m’ont soulagée et culpabilisée à la fois.
Quelques jours plus tard, Camille est revenue à la charge par SMS : « On compte sur toi. Sans toi, on ne pourra jamais acheter cette maison… »
J’ai relu ce message des dizaines de fois. J’ai pensé à mes petits-enfants : si je refuse, vais-je perdre leur affection ? Serai-je la méchante grand-mère égoïste ?
J’ai parlé à mes voisins, à mes amis du club de lecture. Chacun avait son avis : certains trouvaient normal d’aider ses enfants ; d’autres étaient choqués par la demande de Camille.
Finalement, j’ai convoqué Julien et Camille chez moi.
— Je vous aime plus que tout au monde. Mais cet appartement… c’est tout ce qu’il me reste de ma vie avec votre père. Je ne peux pas le vendre. Pas maintenant.
Julien a eu les larmes aux yeux. Camille est restée froide.
— Tu fais passer tes souvenirs avant notre avenir ?
J’ai hoché la tête en silence.
Depuis ce jour-là, les relations sont tendues. Julien m’appelle moins souvent. Camille ne vient plus aux repas du dimanche.
Mais chaque matin, quand j’ouvre mes volets sur la cour fleurie où François et moi prenions notre café, je me dis que j’ai fait le bon choix… même si mon cœur saigne encore.
Est-ce qu’on peut vraiment être une bonne mère sans tout sacrifier ? Ou faut-il parfois penser à soi pour survivre ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?