Ma belle-fille m’a éloignée de mes petits-enfants… Mais la vérité était bien plus douloureuse que je ne l’imaginais
« Maman, je t’ai déjà dit qu’Olivie est débordée avec le collège. Elle a besoin de se concentrer sur ses études. » La voix de ma belle-fille, Camille, résonnait dans mon oreille, sèche, presque agacée. J’étais plantée dans mon salon, le combiné serré dans la main, le cœur battant trop fort. Je n’arrivais pas à croire que c’était la seule raison. Depuis douze ans, j’avais vu grandir ma petite-fille, Olivie, et jamais elle n’avait passé une journée sans m’envoyer un petit message ou m’appeler pour me raconter ses histoires d’école ou me demander quand je viendrais lui préparer son gâteau au chocolat préféré.
Mais voilà trois semaines que son téléphone restait muet. J’avais d’abord pensé à une panne, puis à une punition. Mais chaque fois que j’appelais, Camille répondait à ma place, prétextant des devoirs, un cours de danse, une sortie scolaire… Et Olivie ne rappelait jamais. Même mon petit-fils, Lucas, d’habitude si bavard, semblait avoir disparu de la surface de la terre.
Je me suis assise sur le canapé, les mains tremblantes. Mon fils, Julien, travaillait beaucoup et n’était presque jamais à la maison. Je savais qu’il laissait la gestion du foyer à Camille. Mais pourquoi ce changement soudain ? J’avais toujours aidé Camille : quand elle a perdu son emploi à la mairie, c’est moi qui ai gardé les enfants tous les mercredis. Quand elle a eu sa dépression après la naissance de Lucas, c’est moi qui ai fait les courses et préparé les repas. Je n’ai jamais rien demandé en retour.
Un soir, incapable de supporter ce silence, j’ai décidé d’aller chez eux sans prévenir. J’ai pris le bus jusqu’à leur appartement à Montreuil. Il était 18h30, la lumière filtrait à travers les rideaux du salon. J’ai sonné. Après un long moment, Camille a ouvert la porte, l’air surprise et visiblement contrariée.
— Françoise ? Tu aurais pu prévenir… On allait passer à table.
Je me suis excusée maladroitement. Derrière elle, j’ai aperçu Olivie qui rangeait son sac d’école. Elle m’a lancé un regard furtif puis a baissé les yeux.
— Bonjour Mamie…
Sa voix était faible, presque étrangère. J’ai voulu la prendre dans mes bras mais elle s’est esquivée en prétextant devoir aider sa mère.
Le dîner s’est déroulé dans un silence pesant. Lucas n’a pas décroché un mot. Camille me lançait des regards froids chaque fois que j’essayais d’engager la conversation avec les enfants.
Après le dessert, alors que Julien débarrassait la table, j’ai tenté d’aborder le sujet avec lui.
— Tu sais, Julien, je trouve Olivie bien distante ces derniers temps…
Il a soupiré sans me regarder.
— Maman, laisse-la grandir un peu. Elle a besoin d’espace.
J’ai senti une boule se former dans ma gorge. Je n’étais plus la bienvenue ici.
En rentrant chez moi ce soir-là, je n’ai pas dormi. Je repassais chaque moment passé avec eux dans ma tête. Avais-je fait quelque chose de mal ? Était-ce parce que j’avais critiqué une fois la façon dont Camille habillait Lucas ? Ou parce que j’avais offert un vélo à Olivie sans demander l’avis de ses parents ?
Les semaines ont passé et le silence s’est installé comme une brume épaisse entre nous. Je me suis mise à surveiller mon téléphone du matin au soir. Rien. Les fêtes de Pâques approchaient et je n’avais aucune nouvelle.
Un dimanche matin, alors que je faisais mon marché sur la place de la République, j’ai croisé Madame Lefèvre, une voisine qui connaissait bien Camille.
— Alors Françoise, tu dois être contente d’avoir tes petits-enfants toute la semaine prochaine ! Ils partent en vacances chez toi ?
J’ai blêmi.
— Non… Je n’étais pas au courant…
Elle a haussé les sourcils.
— Ah bon ? Camille m’a dit qu’ils partaient chez leur tante à Lyon…
Je suis rentrée chez moi bouleversée. Pourquoi Camille mentait-elle sur leurs vacances ? Pourquoi tenait-elle tant à m’éloigner des enfants ?
Ce soir-là, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai écrit une longue lettre à Olivie. Je lui ai dit combien elle me manquait, combien je l’aimais et que si elle avait besoin de parler, je serais toujours là pour elle.
Deux jours plus tard, une enveloppe est arrivée dans ma boîte aux lettres. L’écriture tremblante d’Olivie.
« Mamie,
Je t’aime très fort mais maman ne veut plus que je t’appelle. Elle dit que tu as dit des choses méchantes sur elle et qu’elle ne veut plus qu’on te voie pour l’instant. Je ne comprends pas tout mais je t’aime quand même très fort.
Olivie »
J’ai éclaté en sanglots en lisant ces mots. Qu’avais-je bien pu dire ou faire pour mériter ça ? J’ai repensé à toutes ces fois où Camille s’était confiée à moi sur ses difficultés avec Julien, sur sa fatigue… Avais-je été trop franche ? Trop présente ?
Quelques jours plus tard, alors que je faisais mes courses au supermarché du coin, j’ai entendu deux femmes parler derrière moi.
— Tu sais que Camille a demandé le divorce ? Elle ne supporte plus Julien…
Mon cœur s’est arrêté. Tout s’éclairait soudainement : Camille voulait couper tous les ponts avec la famille de Julien pour mieux tourner la page. J’étais devenue un symbole du passé dont elle voulait se débarrasser.
J’ai tenté d’appeler Julien ce soir-là mais il n’a pas répondu. J’ai laissé un message plein de larmes et de désespoir.
Les mois ont passé et je n’ai revu mes petits-enfants qu’une seule fois, lors d’une fête d’école où Olivie m’a serrée très fort dans ses bras en pleurant.
Aujourd’hui encore, je me demande si j’aurais pu faire autrement. Fallait-il être moins présente ? Aurais-je dû me taire sur certains sujets ? Ou bien est-ce simplement le destin des familles modernes de se déchirer ainsi ?
Est-ce qu’on peut vraiment aimer trop fort ? Ou est-ce que parfois l’amour d’une grand-mère devient un fardeau pour ceux qui veulent tourner la page ? Qu’en pensez-vous ?