J’ai tout perdu pour une illusion : l’histoire d’un homme qui regrette d’avoir quitté sa femme pour sa maîtresse

« Non, François. Je ne peux pas te pardonner. »

Sa voix tremblait, mais son regard était dur comme la pierre. Je suis resté là, à genoux sur le parquet froid du salon, les mains jointes, suppliant Anne de me laisser revenir. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait exploser. Les larmes coulaient sur mes joues, mais elle ne bronchait pas. Derrière elle, la lumière du soir filtrait à travers les rideaux, dessinant des ombres sur les murs de notre ancien appartement.

Je n’aurais jamais cru en arriver là. Anne et moi, nous nous étions rencontrés à la fac de droit à Lyon. Elle était brillante, drôle, et surtout, elle croyait en moi comme personne d’autre. On a galéré ensemble : petits boulots, nuits blanches à réviser, puis la recherche d’un premier appartement dans le 7ème arrondissement. On n’avait rien, mais on avait tout : l’espoir, la jeunesse, et surtout l’amour.

Après nos études, on s’est mariés dans la petite mairie de son village natal près de Clermont-Ferrand. Je me souviens encore du sourire de sa mère, du regard fier de mon père. On voulait réussir, alors on a bossé comme des fous. J’ai monté ma boîte de conseil en gestion, elle a décroché un poste dans une association d’aide aux femmes en difficulté. On se soutenait, on se complétait.

Mais la vie parisienne est rude. Les factures s’accumulent, la fatigue aussi. On s’est éloignés sans même s’en rendre compte. J’ai commencé à rentrer tard, à prétexter des réunions qui n’existaient pas. C’est là qu’elle est arrivée : Camille. Je l’ai rencontrée lors d’un séminaire à Bordeaux. Elle était tout ce que je n’étais plus : insouciante, passionnée, libre.

Un soir, alors qu’Anne dormait déjà, j’ai reçu un message de Camille : « Tu me manques. » J’ai hésité. Puis j’ai répondu. C’est là que tout a basculé.

— Tu rentres encore tard ?
— Oui… J’ai eu une réunion qui a traîné.

Anne ne disait rien, mais je voyais bien qu’elle souffrait. Elle préparait toujours mon dîner, laissait une lumière allumée pour moi. Mais moi, j’étais ailleurs.

Un matin, elle a trouvé un message sur mon téléphone. Je n’ai même pas eu la force de nier.

— Tu me trompes ?
— … Oui.

Elle a pleuré toute la nuit. Moi aussi. Mais j’étais trop lâche pour rompre avec Camille. J’ai quitté Anne quelques semaines plus tard, pensant que je trouverais le bonheur ailleurs.

La passion avec Camille a duré… trois mois. Puis tout s’est effondré : disputes, jalousie, incompréhensions. Elle voulait voyager, profiter de la vie ; moi, je voulais retrouver un foyer. Un soir, elle m’a dit :

— Tu n’es pas l’homme que je croyais.

Elle est partie sans se retourner.

C’est là que j’ai compris ce que j’avais perdu. Anne était mon ancre, mon refuge. J’ai essayé de l’appeler, d’envoyer des lettres, des fleurs… Rien n’y faisait.

Aujourd’hui, cela fait un an que je vis seul dans un petit studio à Villeurbanne. Je croise parfois Anne au marché du quartier ; elle détourne les yeux ou me salue poliment sans s’arrêter. J’ai appris qu’elle avait repris ses études et qu’elle s’était engagée encore plus dans son association.

Ma famille ne me parle plus vraiment ; ma mère m’a dit un jour au téléphone :

— Tu as brisé le cœur d’une femme exceptionnelle.

Je revois sans cesse le visage d’Anne le soir où je l’ai suppliée de me reprendre. Elle m’a dit :

— Tu as fait ton choix, François. Moi aussi je dois faire le mien.

Je vis avec ce poids chaque jour. Je repense à nos soirées à refaire le monde sur le balcon, à nos vacances improvisées en Bretagne faute de moyens… Tout ce que j’ai détruit pour une illusion de bonheur.

Parfois je me demande : pourquoi est-ce qu’on réalise la valeur des choses seulement quand on les a perdues ? Est-ce qu’on mérite une seconde chance après avoir tout gâché ?

Et vous… avez-vous déjà regretté un choix qui a bouleversé votre vie ?