Il veut que je l’épouse à nouveau… pour offrir un toit à notre fils : Mon ex-mari me met face à un choix impossible
« Tu n’as pas changé, Claire. » Sa voix résonne dans la cuisine, froide et familière, alors que je serre la tasse de café entre mes mains tremblantes. Vingt ans sans nouvelles, vingt ans à reconstruire ma vie loin de François, et le voilà assis en face de moi, comme si le temps n’avait rien effacé.
Je n’arrive pas à soutenir son regard. Il y a ce mélange de colère et de peur qui me serre la gorge. Je repense à toutes ces années où j’ai dû me battre seule pour élever Thomas, notre fils, aujourd’hui étudiant en droit à Lyon. François n’a jamais été là, ni pour les anniversaires, ni pour les nuits blanches d’angoisse. Il a disparu après notre divorce, emportant avec lui ses promesses et ses silences.
Et maintenant, il revient avec une proposition qui me glace le sang : « Je veux que tu m’épouses à nouveau. Si tu acceptes, l’appartement que j’ai hérité de ma mère ira à Thomas. Sinon… il restera à moi. »
Je sens la colère monter. « Tu te rends compte de ce que tu demandes ? »
Il hausse les épaules, l’air détaché. « C’est simple. Tu veux le meilleur pour notre fils, non ? »
Je me lève brusquement, la chaise grince sur le carrelage. « Tu n’as jamais voulu le meilleur pour lui ! Tu n’étais même pas là quand il a eu besoin de toi ! »
Il ne bronche pas. Son visage reste impassible, presque cruel. Je me sens piégée comme il y a vingt ans, quand chaque décision semblait dictée par sa volonté.
Je repense à la première fois où j’ai compris qu’il fallait partir. J’avais vingt-huit ans, Thomas venait d’avoir trois ans. François rentrait tard, sentait l’alcool et la colère. Les disputes éclataient pour un rien : une assiette cassée, un mot de travers. J’ai eu peur pour moi, peur pour mon fils. Alors j’ai pris mes affaires et je suis partie chez ma sœur, à Dijon.
Depuis, j’ai tout reconstruit : un petit appartement dans le 7e arrondissement de Lyon, un boulot d’assistante dans un cabinet médical, des amis fidèles. Thomas a grandi sans père mais entouré d’amour. Il a toujours su que je ferais tout pour lui.
Mais aujourd’hui… Aujourd’hui je doute.
Thomas m’a appelée hier soir, la voix pleine d’espoir : « Maman, papa veut me donner un appartement ! Tu te rends compte ? Je pourrais enfin quitter ma chambre de 9m2 ! »
Je n’ai pas eu le courage de lui dire la vérité. Comment lui expliquer que ce cadeau est empoisonné ? Que son père ne fait rien sans arrière-pensée ?
Je passe la nuit à tourner en rond dans mon salon. Je pense à Thomas, à ses rêves d’indépendance, à ses études qui lui coûtent si cher. Je pense aussi à moi, à mes cicatrices invisibles, aux nuits passées à pleurer en silence.
Le lendemain matin, je retrouve François au café du coin. Il est déjà là, impeccable dans son manteau gris, comme s’il n’avait jamais quitté la scène de notre vie.
« Alors ? » demande-t-il sans détour.
Je prends une grande inspiration. « Pourquoi tu fais ça ? Pourquoi maintenant ? »
Il sourit, mais ses yeux restent froids. « J’ai changé, Claire. Je veux réparer mes erreurs. Et puis… je suis seul maintenant. »
Je sens une boule se former dans ma gorge. Est-ce vraiment du remords ou simplement la peur de vieillir seul ?
« Tu ne peux pas acheter mon pardon », je murmure.
Il hausse les épaules : « Ce n’est pas ton pardon que je veux. C’est une famille. »
Je repense à toutes ces années où j’ai rêvé d’une famille normale pour Thomas. Mais à quel prix ?
Le soir même, je retrouve Thomas dans un petit restaurant près de la fac. Il est rayonnant : « Maman, c’est incroyable ! Tu imagines ? Un vrai chez-moi ! »
Je sens mon cœur se serrer. Je voudrais tant lui offrir ce bonheur sans condition.
« Thomas… il y a quelque chose que tu dois savoir », je commence.
Il me regarde, inquiet : « Quoi ? »
Je prends sa main dans la mienne : « Ton père… il veut que je l’épouse à nouveau pour te donner cet appartement. »
Un silence lourd s’installe entre nous. Il retire sa main lentement.
« C’est une blague ? »
Je secoue la tête, les larmes aux yeux.
Il se lève brusquement : « Il n’a pas changé… Il veut juste te contrôler encore une fois ! »
Je voudrais le rassurer, lui dire que tout ira bien. Mais je ne sais plus quoi penser.
Les jours passent et la pression monte. Ma sœur Isabelle m’appelle tous les soirs : « Tu ne vas quand même pas céder ? Tu sais très bien ce qui t’attend si tu retournes avec lui ! »
Mais Thomas insiste : « Maman, c’est peut-être notre chance… Peut-être qu’il a vraiment changé ? »
Je sens mon cœur se déchirer entre la peur et l’espoir.
Un soir, je rêve de François qui referme la porte derrière moi et m’enferme dans l’appartement vide de sa mère. Je me réveille en sueur, le souffle court.
Le lendemain matin, je prends une décision.
J’appelle François : « On doit parler. »
Nous nous retrouvons sur les quais du Rhône. Le vent est glacial.
« Je refuse », je dis d’une voix ferme. « Je ne t’épouserai pas pour un appartement. Si tu veux vraiment réparer tes erreurs, donne-le à Thomas sans condition. Sinon… garde-le pour toi et laisse-nous tranquilles. »
Il me regarde longuement puis détourne les yeux.
« Tu fais une erreur », murmure-t-il avant de s’éloigner.
J’appelle Thomas pour tout lui raconter. Il pleure au téléphone mais finit par dire : « Je préfère galérer toute ma vie plutôt que de te voir souffrir encore une fois à cause de lui. »
Ce soir-là, je m’endors enfin en paix.
Mais parfois je me demande : ai-je eu raison de refuser ce sacrifice ? Jusqu’où doit-on aller pour offrir le meilleur à ses enfants ? Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?