Il a choisi sa mère au lieu de moi : mon mariage s’est effondré en une nuit
« Tu ne comprends pas, Claire, c’est ma mère ! »
Sa voix tremblait, mais il ne me regardait même pas. J’étais debout dans le couloir, la valise à la main, le cœur battant si fort que j’avais l’impression qu’il allait exploser. Ce soir-là, tout devait changer : nous avions enfin trouvé un petit appartement à Lyon, loin de la maison de sa mère, Monique. J’avais rêvé de ce moment pendant des mois. Mais voilà, à la dernière minute, Julien s’est dégonflé.
« Je ne peux pas la laisser seule… Elle n’a que moi », a-t-il murmuré, les yeux rivés au carrelage froid.
Je me suis sentie trahie. Depuis trois ans, je supportais les remarques acerbes de Monique, ses critiques sur ma cuisine, sur ma façon de m’habiller, sur notre couple. Elle entrait dans notre chambre sans frapper, elle décidait du menu du dîner, elle surveillait nos moindres faits et gestes. Julien me disait toujours : « Elle finira par t’accepter, sois patiente. » Mais ce soir-là, j’ai compris qu’il ne serait jamais mon allié.
« Tu préfères ta mère à ta femme ? » Ma voix s’est brisée. Il n’a pas répondu. Il n’a même pas essayé de me retenir quand j’ai laissé tomber la valise.
Je suis sortie dans la nuit glaciale, le souffle court. J’ai marché longtemps dans les rues du quartier Monplaisir, les larmes gelant sur mes joues. J’ai appelé mon amie Sophie :
— Il a choisi sa mère… Il ne viendra pas avec moi.
— Claire… Viens dormir chez moi ce soir. On en parlera demain.
Le lendemain matin, j’ai reçu un message de Julien : « Je suis désolé. Je t’aime mais je ne peux pas la laisser. »
Je me suis effondrée sur le canapé de Sophie. Comment avais-je pu être aussi aveugle ? Depuis le début, Monique avait tout fait pour garder son fils près d’elle. Elle lui préparait encore ses tartines le matin, repassait ses chemises, décidait de ses horaires. Et lui, il trouvait ça normal. Moi, j’étais l’intruse.
Les jours suivants ont été un enfer. Mon téléphone vibrait sans cesse : messages de Julien, appels manqués de Monique qui voulait « discuter entre femmes ». Ma mère m’a suppliée de rentrer à Grenoble :
— Tu vaux mieux que ça, ma chérie. Un homme qui n’est pas capable de te défendre ne te mérite pas.
Mais je n’arrivais pas à tourner la page. J’aimais Julien. Ou plutôt, j’aimais l’idée que je m’étais faite de lui : un homme doux, attentionné, qui voulait construire une vie à deux. Mais il était prisonnier d’un lien malsain avec sa mère.
Un soir, alors que je rangeais mes affaires chez Sophie, Julien est venu frapper à la porte.
— Claire… Je t’en supplie, reviens à la maison. Maman promet de faire des efforts.
Je l’ai regardé droit dans les yeux :
— Et toi ? Tu es prêt à faire des efforts ? À poser des limites ?
Il a baissé la tête. Silence pesant.
— Je ne peux pas lui faire ça… Elle est fragile depuis la mort de papa.
J’ai senti une colère sourde monter en moi. Depuis quand étais-je responsable du bonheur de Monique ? Depuis quand devais-je sacrifier mes rêves pour une femme qui ne m’aimait pas ?
J’ai refusé de rentrer. Julien est reparti, abattu.
Les semaines ont passé. J’ai trouvé un petit studio dans le 7e arrondissement. J’ai repris mon travail d’infirmière à l’hôpital Édouard-Herriot. Mais chaque soir, en rentrant chez moi, je me sentais vide. Les collègues murmuraient dans les couloirs :
— Tu sais, Claire a quitté son mari…
— C’est triste… Mais il faut être forte.
Un dimanche matin, alors que je faisais les courses au marché Saint-Antoine, j’ai croisé Monique. Elle m’a lancé un regard glacial :
— Tu as détruit mon fils.
J’ai eu envie de hurler : « Non ! C’est toi qui l’as détruit ! » Mais je suis restée digne.
Le soir même, Julien m’a envoyé une lettre manuscrite. Il écrivait qu’il m’aimait toujours mais qu’il ne pouvait pas choisir entre sa mère et moi. Qu’il espérait qu’un jour je comprendrais.
J’ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Puis j’ai appelé ma mère :
— Maman… Est-ce que c’est moi qui ai tout gâché ?
— Non, Claire. Tu as juste voulu être aimée pour ce que tu es.
Aujourd’hui encore, des mois plus tard, je repense à cette nuit où tout a basculé. Je me demande si j’aurais pu faire autrement. Si j’aurais dû insister, attendre encore un peu… Mais au fond de moi, je sais que rien n’aurait changé tant que Julien resterait sous l’emprise de sa mère.
Parfois je me demande : combien sommes-nous en France à vivre cette situation ? À devoir choisir entre notre dignité et un amour qui nous échappe ? Est-ce vraiment à nous, femmes, de porter tout le poids du couple ? Qu’en pensez-vous ?