Après le divorce, j’ai tout perdu… Comment reconstruire sa vie quand on a peur de tout perdre à nouveau ?

« Tu ne comprends rien, Claire ! » La voix de François résonne encore dans ma tête, même si cela fait déjà six mois que j’ai claqué la porte de notre appartement à Lyon. Ce soir-là, sous la pluie battante, j’ai traîné ma valise sur les pavés, le cœur en lambeaux. Je n’avais nulle part où aller. Ma sœur, Élodie, m’a accueillie dans son petit deux-pièces à Villeurbanne, mais je savais que je ne pourrais pas m’y éterniser.

Je me revois encore, assise sur le canapé-lit, les yeux rougis, fixant le plafond. « Comment ai-je pu en arriver là ? » me murmurais-je sans cesse. J’avais tout donné à mon mariage : dix-sept ans de ma vie, mes rêves de jeunesse, et même ma carrière d’architecte que j’avais mise entre parenthèses pour élever nos deux enfants, Camille et Lucas. Mais François… Il avait changé. Ou peut-être était-ce moi ? Les disputes étaient devenues notre quotidien, jusqu’à ce soir où il a prononcé ces mots fatals : « Je ne t’aime plus. »

Le lendemain du divorce, je me suis retrouvée sans toit, sans repères. Les enfants restaient avec moi une semaine sur deux. Le reste du temps, l’appartement d’Élodie me semblait vide et glacial. J’avais honte de ma situation. À quarante-trois ans, recommencer à zéro… Ce n’était pas ce que j’avais imaginé pour ma vie.

Un matin, alors que je déposais Lucas à l’école primaire du quartier, il m’a serrée fort dans ses bras : « Tu vas trouver une maison pour nous, hein maman ? » J’ai souri pour le rassurer, mais au fond de moi, j’étais terrifiée. Comment allais-je reconstruire un foyer alors que je ne croyais plus en moi ?

J’ai commencé à chercher un appartement. Les loyers à Lyon étaient exorbitants. Je visitais des studios sombres ou des T2 trop petits pour accueillir mes enfants. Un jour, l’agent immobilier m’a regardée avec pitié : « Vous savez, madame Martin, avec votre situation… ce ne sera pas facile. » J’ai senti les larmes monter. J’étais devenue « une femme divorcée avec enfants », une case à cocher sur un formulaire.

Élodie essayait de me remonter le moral : « Tu es forte, Claire ! Tu as toujours su rebondir. » Mais elle ne voyait pas mes nuits blanches, mes angoisses qui me rongeaient. J’avais peur de ne jamais retrouver la stabilité. Peur que mes enfants me reprochent un jour d’avoir brisé notre famille.

Un soir d’octobre, alors que je rentrais d’un entretien d’embauche raté, j’ai croisé mon voisin de palier, Antoine. Il m’a invitée à boire un café chez lui. D’habitude méfiante, j’ai accepté — peut-être par besoin de parler à quelqu’un qui ne connaissait rien de mon passé.

Chez lui, tout respirait la simplicité : des livres partout, une odeur de café chaud et un chat qui dormait sur le canapé. Nous avons parlé des heures durant. Il m’a raconté son propre divorce, sa solitude, ses espoirs déçus. Pour la première fois depuis longtemps, je me suis sentie comprise.

Les semaines ont passé. Antoine est devenu un ami précieux. Il m’a aidée à remplir des dossiers pour obtenir un logement social. Grâce à lui — et à beaucoup de patience — j’ai fini par décrocher un petit appartement dans le 7ème arrondissement. Ce n’était pas grand-chose : deux chambres exiguës, une cuisine minuscule… mais c’était chez moi.

Le jour du déménagement, Camille a sauté sur son lit en riant : « On va tout décorer comme on veut ! » J’ai pleuré de joie en la voyant si heureuse. Pour la première fois depuis des mois, j’ai ressenti une étincelle d’espoir.

Mais la peur ne m’a pas quittée pour autant. Chaque fois qu’Antoine me proposait une sortie ou qu’il posait sa main sur la mienne, je me crispais. Et si je me trompais encore ? Et si je perdais tout une deuxième fois ?

Un dimanche matin, alors que nous prenions le petit-déjeuner tous les trois — Camille, Lucas et moi — Camille a demandé : « Maman, tu crois qu’on sera heureux ici ? » Je n’ai pas su quoi répondre tout de suite. Le bonheur… Est-ce qu’on le mérite encore après avoir échoué ?

Antoine a fini par m’avouer ses sentiments : « Claire… Je t’aime bien plus que comme une amie. Mais je sens que tu as peur… » J’ai baissé les yeux. Oui, j’avais peur. Peur d’aimer à nouveau, peur d’être abandonnée encore une fois.

Un soir d’hiver, alors que la neige tombait sur les toits lyonnais, j’ai pris mon courage à deux mains et je lui ai ouvert mon cœur : « J’ai peur de tout perdre encore… Mais j’ai aussi peur de passer à côté de ma vie par peur d’aimer. » Il m’a serrée dans ses bras sans rien dire.

Aujourd’hui encore, je me bats chaque jour contre mes angoisses. Je reconstruis petit à petit ma confiance en moi et en l’avenir. Mes enfants rient à nouveau dans notre nouveau chez-nous. Antoine est là, patient et bienveillant.

Mais parfois, la nuit, je me demande : est-ce qu’on peut vraiment tourner la page ? Est-ce qu’on peut aimer sans craindre de tout perdre ? Et vous… avez-vous déjà eu peur de recommencer votre vie ?