Mon frère m’a volé mon appartement : histoire d’une trahison familiale et d’une quête de justice
« Tu n’as jamais été capable de rien, Claire. Laisse tomber, cet appartement ne t’a jamais vraiment appartenu. »
La voix de Julien résonne encore dans ma tête, froide, tranchante, alors que je serre la lettre de l’avocat entre mes mains tremblantes. Nous sommes dans la cuisine de l’appartement familial à Nantes, là où tout a commencé, là où tout s’est brisé. Je regarde ma mère, assise en face de moi, qui évite mon regard. Elle remue son café, l’air absent, comme si elle n’était pas responsable de ce qui vient de se passer.
Je n’ai jamais été la préférée. Depuis notre enfance, Julien, mon petit frère de trois ans mon cadet, a toujours eu droit à plus d’attention, plus d’amour, plus de tout. Papa disait que j’étais forte, que je n’avais pas besoin qu’on me tienne la main. Mais quand il est parti, emporté par un cancer foudroyant, j’ai compris à quel point j’étais seule.
Maman s’est remariée six mois plus tard avec Gérard, un homme distant, qui ne s’intéressait ni à moi ni à Julien. Mais pour Julien, tout a changé : il a commencé à sortir, à fréquenter des gens douteux, à dépenser sans compter. Moi, j’ai continué mes études de droit, travaillant dur pour obtenir ce que je croyais être ma part de bonheur.
L’appartement dont il est question, c’est celui que papa m’a légué dans son testament. Un petit deux-pièces dans le centre de Nantes, modeste mais à moi. J’y ai vécu mes premières années d’indépendance, j’y ai pleuré mes premières ruptures, j’y ai fêté mes premiers succès. Mais il y a six mois, alors que je revenais d’un stage à Paris, j’ai découvert que Julien y vivait… et que l’appartement était à son nom.
J’ai cru à une erreur administrative. Mais non. Julien, avec l’aide de maman, avait réussi à faire transférer la propriété à son nom. Une signature falsifiée, quelques papiers bien placés, et tout ce qui me restait de papa m’avait été arraché.
« Tu dramatises, Claire. Julien avait besoin d’un toit, tu n’étais même pas là… » La voix de maman est lasse, presque agacée. Je sens la colère monter en moi.
— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Tu as volé ton propre enfant !
Elle ne répond pas. Elle regarde par la fenêtre, comme si la pluie qui tombe sur les toits de Nantes pouvait laver sa conscience.
Je me tourne vers Julien, qui affiche un sourire narquois.
— Tu n’as jamais su t’imposer, Claire. C’est la vie.
Je me lève brusquement, la chaise grince sur le carrelage. Je sens les larmes me monter aux yeux, mais je refuse de pleurer devant eux. Je sors de la cuisine, claque la porte derrière moi et descends les escaliers quatre à quatre.
Dehors, l’air est froid et humide. Je m’appuie contre le mur, tente de reprendre mon souffle. Comment ont-ils pu ? Comment ma propre mère a-t-elle pu choisir mon frère plutôt que moi ?
Les semaines suivantes sont un enfer. Je multiplie les rendez-vous chez l’avocat, je rassemble les preuves, je fouille dans les papiers de papa, je relis son testament mille fois. Tout est clair : l’appartement devait me revenir. Mais la justice est lente, et Julien a déjà tout vidé, tout changé. Il a même vendu certains meubles que j’avais gardés en souvenir.
Je croise des voisins qui me demandent pourquoi je ne viens plus. Je n’ose pas leur dire la vérité. J’ai honte. Honte d’avoir été trahie par les miens.
Un soir, alors que je rentre tard du travail, maman m’appelle. Sa voix est hésitante.
— Claire… Tu pourrais passer à la maison ? On doit parler.
J’hésite. Mais j’y vais. Dans le salon, Julien est là aussi. L’ambiance est glaciale.
— On ne peut pas continuer comme ça, commence maman. Cette histoire nous détruit tous.
Je la fixe, incrédule.
— C’est moi que vous avez détruite !
Julien soupire.
— Tu veux quoi ? De l’argent ? Un autre appartement ?
Je serre les poings.
— Je veux juste qu’on respecte la volonté de papa. C’est tout.
Un silence pesant s’installe. Maman finit par pleurer. Julien détourne les yeux.
— Je ne peux pas revenir en arrière, dit-il enfin. Mais si tu veux, on peut vendre l’appartement et partager…
Je ris jaune.
— Partager ce que tu as volé ? Jamais.
Je quitte la maison familiale pour la dernière fois ce soir-là. Je coupe les ponts. Je poursuis la procédure judiciaire, coûte que coûte.
Les mois passent. Je perds du poids, je dors mal, je doute de tout. Mais je tiens bon. Un matin, mon avocat m’appelle : « Claire, le juge a tranché en ta faveur. »
Je m’effondre en larmes. J’ai gagné. Mais à quel prix ?
Aujourd’hui, j’ai récupéré mon appartement. Mais ma famille n’existe plus. Maman ne m’adresse plus la parole. Julien non plus. Parfois, je me demande si j’ai vraiment gagné quelque chose.
Est-ce que la justice vaut la peine quand elle vous coûte l’amour des vôtres ? Est-ce qu’on peut vraiment tourner la page après une telle trahison ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?