Le journal secret de ma mère : ce que j’ai découvert en revenant chez elle après sa mort a bouleversé ma vie

« Tu sais, elle m’a demandé de te donner ça… si jamais tu revenais un jour. »

La voix de Madame Lefèvre, la voisine du palier, tremblait légèrement alors qu’elle me tendait un vieux carnet à la couverture élimée. Je n’ai pas répondu. J’étais encore debout sur le seuil, la clé froide dans la main, le cœur battant trop fort. Cinq mois s’étaient écoulés depuis l’enterrement de maman, et c’était la première fois que je revenais dans cet appartement du troisième étage, rue de la Barre à Lille.

J’ai poussé la porte, et l’odeur de renfermé, de poussière et de thé froid m’a frappée comme une gifle. Tout était resté figé : la tasse à moitié pleine sur la table basse, le foulard préféré de maman jeté sur le dossier du canapé, ses blouses impeccablement repassées dans l’armoire. J’ai eu l’impression qu’elle allait surgir du couloir, me gronder gentiment parce que je n’avais pas prévenu de ma visite.

Mais il n’y avait que le silence, et ce carnet entre mes mains.

Je me suis assise sur le lit défait, là où je venais m’allonger enfant quand j’avais peur des orages. J’ai ouvert le journal à la première page. L’écriture penchée de maman m’a sauté au visage :

« Pour toi, Élodie. Si tu lis ces lignes, c’est que je ne suis plus là pour te parler. »

J’ai senti mes yeux me brûler. J’ai tourné les pages, fébrile. Les mots défilaient, parfois raturés, parfois tremblants. Elle racontait sa jeunesse à Arras, ses rêves d’études avortés par la guerre, sa rencontre avec mon père – ce père dont je ne savais presque rien, sinon qu’il était parti un matin sans laisser d’adresse.

Mais ce qui m’a bouleversée, c’est ce que j’ai découvert au fil des pages :

« Je t’ai menti, Élodie. Ton père n’est pas parti parce qu’il ne nous aimait plus. Il était malade… et j’ai eu peur. Peur de t’imposer une vie d’hôpital, peur de te voir souffrir. Alors j’ai préféré te dire qu’il nous avait abandonnées. »

J’ai relu ces lignes dix fois. Toute ma colère contre cet homme absent s’est effondrée d’un coup. J’ai pensé à toutes ces années où j’avais reproché à maman son silence, sa dureté parfois. Je ne savais pas qu’elle portait ce secret comme un fardeau.

Le téléphone a sonné dans le vide du salon. J’ai sursauté, puis laissé sonner. Qui pouvait bien appeler ici ?

J’ai continué ma lecture. Maman écrivait aussi sur moi :

« J’ai eu peur de ne pas être une bonne mère. Tu étais si vive, si différente de moi… Je voulais te protéger du monde, mais peut-être t’ai-je enfermée dans mes propres peurs. »

J’ai éclaté en sanglots. Oui, j’avais fui Lille à dix-huit ans pour Paris, pour respirer enfin loin de ses angoisses et de ses silences. On s’appelait rarement ; nos conversations étaient pleines de non-dits.

Soudain, j’ai entendu la porte d’entrée claquer. J’ai sursauté :

— Élodie ?

C’était mon frère, Antoine, que je n’avais pas vu depuis le jour du cimetière.

— Qu’est-ce que tu fais là ?

Il avait l’air fatigué, les traits tirés.

— Je… Madame Lefèvre m’a donné ça.

Je lui ai tendu le carnet. Il l’a pris sans un mot et s’est assis à côté de moi.

— Tu savais pour papa ?

Il a secoué la tête.

— Non… Elle ne m’a jamais rien dit non plus.

On est restés là longtemps, côte à côte sur le lit de notre enfance, à lire ensemble les mots de maman. Parfois on se regardait sans oser parler. Parfois on pleurait en silence.

Quand on a refermé le carnet, il faisait nuit dehors. Antoine a allumé une vieille lampe à abat-jour rose.

— On fait quoi maintenant ?

J’ai haussé les épaules.

— On essaie d’être moins durs avec elle… et avec nous-mêmes ?

Il a souri tristement.

On a commencé à trier les affaires de maman ensemble. Chaque objet racontait une histoire : la boîte à couture héritée de mamie Jeanne, les cartes postales jamais envoyées, les photos en noir et blanc d’un homme jeune – mon père – souriant timidement à côté d’une femme aux yeux clairs.

En partant cette nuit-là, j’ai emporté le carnet avec moi. Je l’ai relu mille fois depuis. J’y ai trouvé des réponses… et encore plus de questions.

Pourquoi est-ce si difficile de se dire la vérité dans une famille ? Pourquoi garde-t-on des secrets qui finissent par nous séparer ? Est-ce qu’on peut vraiment se pardonner après tant d’années ?

Et vous… avez-vous déjà découvert un secret qui a tout changé dans votre famille ?