J’ai reçu une invitation au mariage… de mon ex-mari. Avec mon ancienne meilleure amie.

« Tu vas y aller ? » La voix de ma sœur, Camille, résonne dans le salon, brisant le silence pesant. Je serre l’invitation entre mes doigts tremblants, le papier épais se froisse sous la pression. Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser. Sur la table, la lumière du matin éclaire les lettres dorées : « Anna et Paul ont la joie de vous inviter à leur mariage ». Anna. Paul. Mon ex-mari. Mon ancienne meilleure amie.

Je ris nerveusement, un son sec, presque étranglé. « C’est une blague, tu crois ? » Camille s’approche, pose une main sur mon épaule. « Je suis désolée, Claire… »

Je ferme les yeux. Les souvenirs affluent. Paul et moi, main dans la main sur les quais de la Garonne à Bordeaux, riant comme des enfants. Anna qui me console après une dispute, qui me promet que tout ira bien. Et puis, ce soir d’hiver où tout a basculé : Paul m’a annoncé qu’il ne m’aimait plus. Il n’a pas dit pourquoi. J’ai appris plus tard, par hasard, qu’il voyait quelqu’un d’autre. Jamais je n’aurais imaginé que ce serait Anna.

Le divorce a été un naufrage. Mes parents n’ont pas compris, mes collègues chuchotaient dans mon dos à la mairie où je travaille. J’ai tout perdu d’un coup : l’homme que j’aimais et l’amie en qui j’avais le plus confiance.

Je relis l’invitation. « Nous serions honorés de votre présence pour partager ce moment de bonheur… » Bonheur ? Pour qui ?

Camille s’assied face à moi. « Tu n’es pas obligée d’y aller, tu sais. »

Mais une rage sourde monte en moi. Pourquoi m’inviter ? Par pitié ? Pour se donner bonne conscience ? Ou pour me prouver qu’ils ont gagné ?

Le soir même, je retrouve ma mère au téléphone. Elle soupire : « Ma chérie, tu dois tourner la page… » Facile à dire. Comment tourner la page quand chaque détail de ta vie te rappelle ce que tu as perdu ?

Les jours passent. Au travail, je croise des regards gênés. Ma collègue Sophie me lance : « Tu as l’air fatiguée… » Je souris faiblement. Personne ne sait ce que je vis vraiment.

Un soir, je croise Paul par hasard au marché des Capucins. Il est avec Anna. Ils rient. Il me voit, s’arrête, gêné.

« Claire… »

Anna baisse les yeux. Je sens la colère monter.

« Pourquoi m’avoir invitée ? »

Paul hésite. « On voulait… être honnêtes avec toi. Ne pas te cacher les choses. »

Anna murmure : « Tu as compté pour nous… »

Je ris jaune. « J’ai compté ? Vous m’avez tout pris ! »

Paul tente de poser une main sur mon bras, je recule.

« Vous auriez pu au moins avoir la décence de me laisser tranquille », je souffle avant de tourner les talons.

Cette nuit-là, je ne dors pas. Je repense à tout ce que j’ai donné à Paul, à toutes les confidences partagées avec Anna. Comment ai-je pu être aussi aveugle ?

Le jour du mariage approche. Camille insiste pour que je parte quelques jours à Arcachon avec elle et ses enfants. Mais je reste à Bordeaux, incapable de bouger.

Le matin du mariage, je me réveille en sursaut. Je regarde l’invitation une dernière fois avant de la jeter à la poubelle.

À midi, je reçois un message d’Anna : « Je comprends si tu ne viens pas… Mais sache que tu comptes toujours pour moi. »

Je ne réponds pas.

Le soir venu, je marche seule sur les quais, là où Paul et moi avions nos habitudes. Les lumières de la ville se reflètent dans la Garonne. Je sens les larmes monter mais je refuse de pleurer.

Un inconnu s’assied près de moi sur un banc. Il me sourit timidement : « Dure journée ? »

Je hoche la tête sans un mot.

Il sort un carnet et commence à dessiner le pont Chaban-Delmas.

« Parfois, il faut laisser partir ce qui nous fait mal pour retrouver ce qui nous rend vivants », dit-il sans me regarder.

Je souris tristement.

En rentrant chez moi, je me regarde dans le miroir. Je ne suis plus la Claire d’avant. J’ai mal, mais je suis debout.

Est-ce que la trahison d’un proche peut vraiment se pardonner ? Ou faut-il apprendre à vivre avec cette cicatrice pour avancer ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?