J’ai mis la voiture de mon frère à mon nom : le début d’un cauchemar financier et familial

« Tu peux me rendre ce service, s’il te plaît ? » La voix de Thomas tremblait au téléphone, un soir de janvier où la pluie battait contre mes fenêtres à Lyon. J’ai hésité. Je savais que son divorce avec Camille était un champ de mines, que chaque jour il découvrait une nouvelle embûche. Mais il restait mon frère, mon aîné, celui qui m’avait appris à faire du vélo et qui m’avait défendu au collège. « Juste quelques semaines, le temps que ça se tasse avec Camille. Je ne veux pas qu’elle mette la main sur la voiture. »

J’ai soupiré, puis accepté. Le lendemain, on était à la préfecture, moi signant les papiers, lui me lançant un regard reconnaissant. Je n’imaginais pas que ce geste allait bouleverser ma vie.

Au début, tout semblait simple. Thomas continuait à utiliser la voiture, une vieille Peugeot 308 grise, pour aller bosser à Villeurbanne. Mais très vite, les problèmes ont commencé. Un matin, j’ai reçu une lettre recommandée : une amende pour excès de vitesse sur l’A7. Puis une autre pour stationnement gênant à Croix-Rousse. J’ai appelé Thomas :

— Tu fais n’importe quoi avec la voiture ?
— C’est rien, je vais payer, t’inquiète.

Mais les amendes s’accumulaient. Et puis un jour, j’ai reçu un appel du Trésor Public : « Monsieur Martin, vous avez une dette de 1 200 euros impayée concernant votre véhicule. » Mon cœur s’est serré. J’ai rappelé Thomas, furieuse :

— Tu te rends compte dans quelle galère tu me mets ?
— Je suis désolé, je vais régler ça…

Mais il ne réglait rien. Il avait perdu son boulot d’électricien intérimaire, il dormait chez un pote à Bron et n’avait plus un sou. Moi, je devais jongler avec mon salaire d’assistante sociale et mes propres factures. Ma compagne, Claire, commençait à perdre patience :

— C’est pas ton problème ! Tu vas pas payer pour ses conneries !

Mais comment abandonner mon frère ? Nos parents étaient morts depuis longtemps ; il ne restait que nous deux.

Les semaines passaient et la situation empirait. Un soir, alors que je rentrais du travail, j’ai trouvé Thomas devant ma porte, hagard.

— J’ai eu un accident…

La voiture était emboutie à l’avant. Il n’avait pas d’assurance à jour — évidemment, c’était moi l’assurée officielle. L’autre conducteur avait porté plainte.

J’ai éclaté :

— Mais tu veux ma ruine ou quoi ? Tu te rends compte que je risque de tout perdre ?

Il s’est effondré en larmes sur le palier.

— J’ai tout foiré… Je voulais juste sauver ce qui me restait…

J’ai passé la nuit à pleurer dans les bras de Claire. Elle m’a dit :

— Tu dois choisir : continuer à t’enfoncer avec lui ou penser à toi.

Le lendemain, j’ai pris une décision douloureuse. J’ai appelé Thomas :

— Je ne peux plus continuer comme ça. Je vais signaler la vente du véhicule et résilier l’assurance. Je suis désolée.

Il a crié, supplié, m’a traité de traîtresse. J’ai raccroché en tremblant.

Les mois suivants ont été un enfer silencieux. Thomas ne me parlait plus. J’ai dû payer les dettes pour éviter la saisie sur salaire. J’ai perdu confiance en moi, en la famille.

Un an plus tard, j’ai croisé Thomas par hasard sur la place Bellecour. Il avait l’air fatigué mais apaisé.

— Je t’en veux pas… J’aurais fait pareil à ta place.

On s’est serré maladroitement dans les bras. Mais quelque chose s’était brisé entre nous.

Aujourd’hui encore, je me demande : jusqu’où doit-on aller pour aider sa famille ? Est-ce qu’on doit tout sacrifier au nom du sang ? Ou faut-il savoir dire stop avant de se perdre soi-même ? Qu’en pensez-vous ?