Ce que cette inconnue m’a révélé sur mon fils a bouleversé ma vie : une rencontre glaçante au parc
— Madame, excusez-moi… Vous êtes bien la mère de Julien Lefèvre ?
Sa voix tremblait, mais c’est mon cœur qui s’est arrêté. Je me suis figée, la main crispée sur la laisse de mon chien, Oscar. Le parc Monceau était presque désert ce matin-là, le vent froid soulevait les feuilles mortes et le ciel, d’un gris pâle, semblait prêt à pleurer. Je ne connaissais pas cette femme, son visage m’était totalement étranger. Pourtant, elle connaissait le nom de mon fils.
— Oui… c’est mon fils. Pourquoi ?
Elle hésita, baissa les yeux, puis releva la tête. Son regard était grave, presque douloureux.
— Je suis désolée de vous aborder comme ça, mais… il faut que vous sachiez. Julien… il n’est pas celui que vous croyez.
J’ai senti un frisson me parcourir. Mon fils, mon Julien, mon unique enfant, celui pour qui j’avais tout sacrifié depuis la mort de son père. Nous vivions seuls, lui et moi, dans notre appartement du 17ème, et même si nos relations étaient tendues ces derniers mois, jamais je n’aurais imaginé qu’un inconnu — ou plutôt une inconnue — viendrait me parler de lui ainsi.
— Je ne comprends pas, balbutiai-je. Qui êtes-vous ?
— Je m’appelle Claire Martin. Mon fils était dans la même classe que Julien au lycée Carnot. Il y a eu… des histoires. Des choses que vous devriez savoir.
Elle s’arrêta, cherchant ses mots. Je sentais la panique monter en moi. J’ai repensé à toutes ces fois où Julien rentrait tard, les yeux rougis, l’air absent. À ses silences, à ses colères soudaines. Je m’étais dit que c’était l’adolescence, la douleur de la perte de son père, le stress du bac. Mais là, face à cette femme, tout prenait une autre dimension.
— Madame Lefèvre, reprit-elle, mon fils a tenté de se suicider l’an dernier. Il m’a tout raconté après… Il m’a parlé de Julien. De ce qu’il lui faisait subir.
J’ai reculé d’un pas, comme si elle venait de me gifler. Mon Julien ? Un harceleur ?
— Non… ce n’est pas possible. Julien n’est pas comme ça !
— Je comprends que ce soit difficile à entendre. Mais il n’était pas seul. Il y avait un groupe, mais c’est Julien qui menait. Il a humilié mon fils devant toute la classe, il l’a menacé, il l’a poussé à bout…
Je ne voulais pas y croire. J’ai secoué la tête, les larmes aux yeux.
— Vous vous trompez… Il a toujours été gentil, il a toujours défendu les plus faibles…
— Peut-être avec vous. Mais au lycée, c’était différent. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Parlez-lui. Demandez-lui la vérité.
Elle m’a laissé là, tremblante, le souffle court, puis elle s’est éloignée sans un mot de plus. Je suis restée longtemps sur ce banc, incapable de bouger, le regard perdu dans le vide. Les souvenirs défilaient : les bulletins scolaires en baisse, les disputes à table, les portes qui claquent. Et si j’avais fermé les yeux ? Et si j’avais refusé de voir ?
Quand Julien est rentré ce soir-là, je l’ai attendu dans le salon. Il a tout de suite senti que quelque chose n’allait pas.
— Maman, qu’est-ce qu’il y a ?
Je l’ai regardé, mon grand garçon, presque un homme maintenant. J’ai vu la fatigue sur son visage, la lassitude dans ses yeux.
— Julien… il faut qu’on parle. J’ai rencontré aujourd’hui la mère de Thomas Martin.
Il a blêmi. Son regard a fui le mien.
— Elle t’a dit quoi ?
— Elle m’a parlé de ce qui s’est passé au lycée. De ce que tu as fait à son fils.
Il s’est effondré sur le canapé, la tête dans les mains.
— Je suis désolé, maman… Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça. J’étais mal, j’avais l’impression que tout le monde me détestait… J’ai voulu exister, être respecté… Je n’ai pas réfléchi aux conséquences.
Je me suis assise à côté de lui, la gorge serrée.
— Tu as conscience de ce que tu as fait ? Tu sais ce que ça a coûté à ce garçon ?
Il a hoché la tête, les larmes coulant sur ses joues.
— Je voudrais m’excuser, mais je ne sais pas comment…
Nous avons parlé longtemps cette nuit-là. J’ai compris que mon fils portait une souffrance que je n’avais pas vue, que j’avais été trop absorbée par mon propre chagrin pour voir le sien. Mais rien n’excusait ce qu’il avait fait. J’ai insisté pour qu’il écrive une lettre à Thomas, pour qu’il demande pardon. Nous avons aussi pris rendez-vous avec un psychologue.
Depuis ce jour, notre relation a changé. Il y a eu des cris, des pleurs, des silences lourds. Mais il y a aussi eu des mots vrais, des gestes d’amour, des tentatives de réparation. Je ne sais pas si Thomas pourra un jour lui pardonner. Je ne sais pas si moi-même je pourrai me pardonner d’avoir été aveugle.
Mais je me demande : combien de parents connaissent vraiment leurs enfants ? Combien d’entre nous préfèrent fermer les yeux plutôt que d’affronter la vérité ? Et vous, auriez-vous eu le courage d’écouter cette inconnue ?