Je n’ai jamais compris pourquoi ma mère cuisinait pour mon mari : Une nuit, j’ai découvert la vérité…

« Tu rentres déjà ? » La voix de ma mère résonne dans le couloir, tremblante, alors que j’ouvre la porte de notre appartement à Lyon. Il est à peine 19h, mais ce soir, j’ai fui le bureau plus tôt, lasse des regards condescendants de mon chef et de la routine qui m’étouffe. Je pose mon sac, le cœur battant, car une odeur familière de gratin dauphinois flotte dans l’air, celle que ma mère prépare toujours… pour mon mari, Paul.

Je serre les poings. Depuis des mois, elle vient chez nous chaque mercredi, s’incruste dans MA cuisine, prépare SES plats pour LUI. Paul, lui, se régale, la remercie, la complimente. Moi, je me sens invisible, étrangère à ma propre vie. « Pourquoi tu fais ça, maman ? » ai-je déjà demandé, la voix tremblante. Elle sourit, évite mon regard, répond : « C’est normal, ma chérie, c’est la tradition. »

Mais ce soir, quelque chose cloche. J’entends des rires étouffés dans le salon. Je m’approche à pas feutrés. Ma mère et Paul sont assis côte à côte, trop proches, leurs mains se frôlent en coupant le pain. « Tu te souviens de ce voyage à Annecy ? » chuchote-t-elle. Paul hoche la tête, un sourire complice aux lèvres. Mon sang se glace. Je n’ai jamais été à Annecy avec eux. Pourquoi partagent-ils ce souvenir ?

Je recule, heurtant la commode. Ils se tournent vers moi, surpris. « Oh, tu es là ! » s’exclame ma mère, trop vite. Paul se lève, gêné : « On t’attendait pour dîner… »

Le repas est un supplice. Ma mère me sert à peine, se concentre sur Paul, rit à ses blagues, lui ressert du vin. Je n’en peux plus. « Ça suffit ! » je claque ma fourchette sur la table. « Qu’est-ce qui se passe entre vous ? »

Un silence de plomb s’abat. Ma mère pâlit, Paul baisse les yeux. « Rien, voyons… » balbutie-t-elle. Mais je vois la panique dans ses yeux. Je me lève, la voix brisée : « Tu cuisines pour lui, tu partages des souvenirs que je ne connais pas… Tu me caches quelque chose ! »

Paul tente de me calmer : « Camille, tu te fais des idées… »

Je hurle : « Non ! Je veux la vérité ! »

Ma mère éclate en sanglots. « Je suis désolée… Je n’ai jamais voulu te blesser… »

Je la fixe, le cœur au bord de l’explosion. « Dis-moi tout. »

Elle prend une grande inspiration. « Paul et moi… nous nous connaissions avant que tu ne le rencontres. Il était mon élève au lycée, il venait souvent à la maison pour des cours de soutien… »

Paul hoche la tête, honteux. « C’est vrai. J’ai toujours admiré ta mère… Elle m’a beaucoup aidé à une période difficile. »

Je sens mes jambes flancher. « Et alors ? Pourquoi tout ce secret ? »

Ma mère essuie ses larmes. « Parce qu’il y a eu… plus que de l’amitié. Une nuit, il y a longtemps, nous avons failli… Mais j’ai compris que ce n’était pas juste, ni pour moi, ni pour toi. Quand tu l’as rencontré, j’ai tout fait pour couper les ponts. Mais quand vous vous êtes mariés, j’ai eu peur que tu découvres tout… Alors j’ai voulu garder Paul dans ma vie, autrement. Par la cuisine, par les souvenirs… »

Je suffoque. « Tu as failli avoir une histoire avec mon mari ? »

Paul s’approche, la voix tremblante : « Camille, je t’aime. Ce qui s’est passé avec ta mère, c’était avant toi. Je n’ai jamais voulu te mentir… »

Je me lève d’un bond, repoussant sa main. « Mais vous m’avez menti tous les deux ! Vous avez partagé des moments derrière mon dos, vous avez gardé ce secret pendant toutes ces années ! »

Ma mère s’effondre, la tête dans les mains. « Je voulais juste que tu sois heureuse… Je ne voulais pas te perdre, ni perdre Paul… »

Je sors en courant dans la nuit lyonnaise, le souffle court, les larmes aux yeux. Les lumières de la ville dansent devant moi, floues. Comment ai-je pu être aussi aveugle ? Toute ma vie, j’ai fui les traditions de ma mère, sa cuisine, son amour étouffant… Et voilà que son passé s’invite dans mon présent, brisant tout sur son passage.

Je marche longtemps, jusqu’à ce que mes jambes me lâchent. Je m’assois sur un banc, le cœur en miettes. Est-ce que je peux pardonner ? Est-ce que je dois tout quitter ?

Je repense à tous ces repas où je me sentais étrangère, à tous ces regards complices entre eux… Et si je n’avais jamais vraiment eu ma place dans cette famille ?

« Est-ce qu’on peut vraiment construire son bonheur sur des secrets ? »

« Et vous, qu’auriez-vous fait à ma place ? »