J’ai vendu ma maison pour sauver mon fils… et il a tout perdu au jeu : Mon sacrifice a-t-il servi à quelque chose ?
— Tu fais quoi, Maman ? Tu vas vraiment vendre la maison ?
La voix de Julien tremblait, mais dans ses yeux, je voyais déjà la détresse, la honte. Je me tenais devant la porte d’entrée, les clés dans la main, le cœur battant à tout rompre. J’avais 62 ans, et jamais je n’aurais cru devoir prendre une telle décision à mon âge. Mais quand on est mère, on ne réfléchit pas. On agit. On se sacrifie.
Tout a commencé un soir d’hiver, dans notre petit appartement de Tours. Julien est arrivé, pâle, les mains moites, incapable de me regarder dans les yeux. Il avait perdu son travail, accumulé des dettes. Il m’a suppliée :
— Maman, je t’en prie… Je n’ai plus personne d’autre.
Je n’ai pas hésité. J’ai vendu la maison familiale, celle où j’avais élevé mes deux enfants avec Pierre, mon mari décédé il y a dix ans. Les souvenirs, les rires dans le jardin, les Noëls autour de la cheminée… Tout cela s’est envolé en une signature chez le notaire.
Au début, j’étais fière de moi. J’avais sauvé mon fils du gouffre. Je l’imaginais repartir à zéro, trouver un travail, se reconstruire. Mais très vite, les choses ont dérapé. Julien sortait de plus en plus souvent. Il rentrait tard, évitait mes questions. Un soir, je l’ai surpris en train de pleurer dans la salle de bain. J’ai compris qu’il me cachait quelque chose.
— Julien, qu’est-ce qui se passe ?
Il a haussé les épaules, le regard fuyant :
— Rien, laisse-moi tranquille !
Mais une mère sent tout. J’ai fouillé dans ses affaires et j’ai trouvé des tickets de jeux à gratter, des reçus du casino de Tours. Mon cœur s’est serré. J’ai confronté Julien :
— Tu joues ? Tu as utilisé l’argent pour ça ?
Il s’est effondré en larmes :
— Je suis désolé Maman… Je voulais juste gagner assez pour te rembourser… Je croyais que j’allais y arriver…
À ce moment-là, j’ai compris que je venais de tout perdre : ma maison, mes économies… et peut-être même mon fils.
Les semaines suivantes ont été un enfer. Julien s’enfonçait dans l’addiction. Il disparaissait parfois pendant des jours entiers. Je recevais des appels de créanciers, des lettres menaçantes. Ma fille, Claire, m’a suppliée d’arrêter de protéger son frère :
— Maman, tu ne peux pas continuer comme ça ! Il va te détruire !
Mais comment abandonner son enfant ? Même adulte, même fautif ? J’étais seule face à mes choix.
Un soir, alors que je rentrais d’un entretien pour un petit boulot de ménage — moi qui avais été institutrice pendant trente ans — j’ai trouvé Julien assis sur le canapé, livide.
— Maman… Je crois que j’ai touché le fond.
Il m’a avoué avoir tout perdu. Il ne lui restait rien. Pas un centime. Il avait même vendu sa montre offerte par son père.
J’ai ressenti une colère immense, mêlée à une tristesse sans nom. Je lui ai crié dessus comme jamais :
— Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Tu as détruit notre famille ! Tu m’as volé mes souvenirs !
Il a pleuré comme un enfant. Et moi aussi.
Les jours suivants ont été silencieux. Julien a accepté d’aller consulter un addictologue à l’hôpital Trousseau. J’ai accompagné mon fils dans cette démarche, mais la confiance était brisée.
Je vivais désormais dans un petit studio en périphérie de Tours. Les voisins me regardaient avec pitié. Certains murmuraient derrière mon dos :
— Tu as entendu ? Elle a tout vendu pour son fils…
Je me sentais humiliée, trahie par la vie elle-même.
Un matin d’avril, alors que je buvais mon café devant la fenêtre donnant sur un parking grisâtre, Claire est venue me voir.
— Maman… Tu dois penser à toi maintenant. Tu as fait tout ce que tu pouvais.
J’ai éclaté en sanglots dans ses bras. Pour la première fois depuis des mois, je me suis autorisée à penser à moi.
Aujourd’hui, Julien suit toujours sa thérapie. Il travaille à mi-temps dans une association d’aide aux personnes en difficulté. Il essaie de se reconstruire. Moi aussi.
Mais chaque soir, en fermant les yeux, je revois la porte de ma maison qui se referme derrière moi pour la dernière fois. Je me demande si j’ai fait le bon choix…
Ai-je vraiment aidé mon fils ou ai-je simplement tout perdu ? Jusqu’où doit-on aller par amour pour ses enfants ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?