« Maman a promis de l’argent à mon frère pour sa voiture. Trois ans plus tard, c’est moi qui paie le prix… »

« Tu sais très bien ce que maman a dit, Camille ! Elle m’a promis l’argent pour la voiture, pas à toi ! »

La voix de mon frère Paul résonne encore dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre mon bébé contre moi, tentant de ne pas laisser mes larmes couler devant lui. Mon mari, Julien, me lance un regard inquiet depuis le salon, mais il sait qu’il ne doit pas intervenir. C’est une histoire de famille, une histoire qui me ronge depuis trois ans.

Tout a commencé un soir d’hiver, dans notre petit appartement de Lyon. Maman était venue dîner. Elle avait ce ton détaché, presque las, quand elle a lâché : « J’ai promis à Paul de l’aider pour sa voiture. Mais je ne peux pas tout faire. Vous vous débrouillez entre vous. »

À l’époque, ça m’a semblé anodin. Paul avait vingt ans, il venait d’avoir son permis et rêvait d’une Clio d’occasion. Moi, j’étais déjà en couple avec Julien, on pensait à s’installer ensemble. Je me suis dit : « Laisse tomber, il est plus jeune, il en a besoin. »

Mais trois ans plus tard, tout a changé. J’ai eu un bébé, j’ai quitté mon boulot pour m’occuper de lui parce que la crèche était hors de prix et que Julien ne gagne pas des mille et des cents. Et là, maman m’a dit qu’elle ne pouvait pas m’aider pour la poussette ou les couches parce qu’elle avait déjà donné « ce qu’elle pouvait » à Paul.

J’ai senti une colère sourde monter en moi. Ce n’était pas juste. Pourquoi ses promesses à Paul comptaient plus que mes besoins ? Pourquoi devais-je toujours être celle qui comprend, qui s’efface ?

J’ai essayé d’en parler calmement à maman. Un dimanche après-midi, alors que Paul était là aussi. Je lui ai dit : « Maman, tu sais que j’ai du mal en ce moment… Tu pourrais peut-être m’aider un peu ? »

Elle a soupiré : « Camille, tu sais bien que j’ai aidé ton frère pour sa voiture. Je ne peux pas être partout. »

Paul a haussé les épaules : « Fallait demander avant. Moi aussi j’en avais besoin. »

J’ai explosé : « Mais tu crois que c’est facile pour moi ? Tu crois que je n’en ai pas besoin ? »

Paul s’est levé brusquement : « Arrête de faire ta victime ! Toi t’as Julien, t’as un toit, t’as un enfant ! Moi j’ai galéré pour trouver du boulot ! »

Maman s’est mise à pleurer : « Arrêtez tous les deux ! Vous me rendez malade avec vos histoires d’argent ! »

Depuis ce jour-là, tout est devenu compliqué. Les repas de famille sont tendus. On évite le sujet mais il plane comme une ombre au-dessus de nous.

Julien me soutient mais il ne comprend pas vraiment. Chez lui, on ne parle jamais d’argent. Sa mère donne à tout le monde pareil ou rien du tout.

Un soir, alors que je berçais mon fils endormi, j’ai repensé à mon enfance. Paul était toujours le petit dernier, celui qu’il fallait protéger. Moi, j’étais la grande sœur responsable. On attendait de moi que je sois forte, raisonnable.

Mais aujourd’hui, je suis fatiguée d’être forte. J’aurais aimé que maman me dise : « Tu comptes autant que ton frère. » J’aurais aimé qu’elle comprenne que ses choix nous ont blessés tous les deux.

La semaine dernière, Paul est venu me voir. Il avait l’air gêné.

« Camille… Je sais que t’es en galère en ce moment. Si tu veux, je peux te filer un peu d’argent… »

J’ai failli pleurer. Mais j’ai refusé.

« Ce n’est pas à toi de réparer ça, Paul. C’est à maman de comprendre ce qu’elle a fait. »

Il a baissé les yeux : « Tu crois qu’elle changera ? »

Je n’ai pas su quoi répondre.

Aujourd’hui encore, je me demande comment on en est arrivés là. Est-ce que l’argent doit vraiment détruire une famille ? Est-ce qu’on peut pardonner des injustices qui datent de si loin ?

Je regarde mon fils dormir et je me promets de ne jamais faire les mêmes erreurs.

Mais dites-moi… Est-ce que vous avez déjà vécu ça ? Est-ce qu’on peut vraiment tourner la page quand on se sent trahi par ceux qu’on aime le plus ?