J’ai perdu connaissance devant toute ma famille… parce que mon mari m’a laissée seule avec notre bébé. Est-ce la fin de notre couple ?
« Camille, tu peux venir m’aider avec le petit ? » Ma voix tremble à peine, mais je sais déjà que la réponse ne viendra pas. Dans le salon, les rires de ma belle-famille couvrent tout. Je serre mon fils contre moi, il pleure depuis des heures, et je sens mes bras faiblir. Je n’ai pas dormi plus de deux heures d’affilée depuis des semaines. Je regarde Camille, mon mari, assis à côté de sa sœur, un verre de vin à la main. Il sourit, il plaisante. Il ne me voit pas.
Je me sens invisible.
« Camille, s’il te plaît… » Je tente encore, la voix plus forte. Il lève les yeux, agacé : « Mais tu peux bien gérer cinq minutes, non ? On est en famille, profite un peu. » Profiter… Je voudrais juste souffler. Juste une minute sans ce poids sur mes épaules, sans cette solitude qui me ronge depuis la naissance de Paul.
Je sens mes jambes trembler. Ma belle-mère me lance un regard désapprobateur : « Tu sais, à notre époque, on ne se plaignait pas autant… » Les mots me frappent comme une gifle. J’ai envie de crier, mais je n’ai plus la force. Je me lève pour aller changer Paul, tout tourne autour de moi. Je croise le regard de ma sœur, Élodie, inquiète. Elle s’approche : « Tu veux que je t’aide ? » Je hoche la tête, mais déjà tout devient flou.
Je m’effondre.
Quand je reprends conscience, je suis allongée sur le canapé, ma famille penchée au-dessus de moi. Camille a l’air paniqué, mais je vois dans ses yeux plus d’embarras que d’inquiétude. « Ça va aller, tu as juste fait un malaise… Tu devrais te reposer. » Mais comment se reposer quand on est seule à tout porter ?
Les jours qui suivent sont pires. Je sens le jugement dans chaque regard, chaque remarque. « Tu devrais mieux t’organiser. » « C’est normal d’être fatiguée avec un bébé. » Mais personne ne voit que je m’effondre à l’intérieur.
Le soir, quand Paul s’endort enfin après des heures de pleurs, je m’assois face à Camille. « Tu ne m’aides pas. J’ai besoin de toi. J’ai besoin qu’on soit deux à être parents. » Il soupire, lève les yeux au ciel : « Je travaille toute la journée, tu es en congé maternité… Tu crois que c’est facile pour moi aussi ? »
Je sens la colère monter. « Ce n’est pas du repos d’être à la maison avec un nourrisson. J’ai besoin que tu comprennes ce que je vis. J’ai besoin que tu sois là. » Il se lève brusquement : « Tu dramatises tout le temps. Tu crois que nos mères se plaignaient comme ça ? Tu veux quoi, qu’on prenne une nounou ? On n’a pas les moyens. »
Je reste seule dans le salon, les larmes aux yeux. Je repense à ce malaise devant toute la famille, à cette honte qui ne me quitte plus. Je repense à ma mère qui me disait toujours qu’un enfant ça se fait à deux… Mais pourquoi ai-je l’impression d’être seule sur ce champ de bataille ?
Les semaines passent et rien ne change. Camille rentre tard du travail, s’enferme dans son bureau ou sort voir des amis le week-end pour « décompresser ». Moi, je n’ai pas ce luxe. Je suis prisonnière de cette routine épuisante. Parfois, Élodie passe me voir et m’aide un peu avec Paul. Elle voit bien que je ne vais pas bien.
Un soir, alors que Paul hurle et que je n’arrive plus à le calmer, je m’effondre en larmes sur le sol de la cuisine. Élodie arrive en courant et prend le relais sans un mot. Elle me serre dans ses bras et murmure : « Tu n’es pas seule, tu sais… Mais il faut que tu parles à Camille sérieusement. Tu ne peux pas continuer comme ça. »
Mais comment parler à quelqu’un qui refuse d’entendre ?
Un dimanche matin, alors que Camille dort encore après une soirée avec ses amis, je prépare une valise pour Paul et moi. Je pars chez Élodie quelques jours. J’ai besoin de respirer, de réfléchir.
Camille m’appelle en panique quand il se réveille et découvre la maison vide. « Mais t’es où ? Tu fais quoi là ? Tu vas pas me faire un coup comme ça devant tout le monde… » Je lui réponds calmement : « J’ai besoin de temps pour moi et pour Paul. J’ai besoin que tu comprennes ce que c’est d’être seule à tout gérer. Peut-être qu’en mon absence tu réaliseras ce que tu ne faisais pas… ou ce que tu pourrais perdre. »
Chez Élodie, je retrouve un peu de paix. Elle m’aide avec Paul, on parle beaucoup. Elle me pousse à consulter une psychologue spécialisée dans le burn-out maternel. Pour la première fois depuis des mois, quelqu’un écoute vraiment ma douleur sans juger.
Camille finit par venir chez Élodie au bout de trois jours. Il a l’air fatigué, perdu même. Il s’assoit en face de moi et murmure : « Je suis désolé… J’ai pas compris ce que tu vivais… J’avais peur aussi de ne pas être à la hauteur comme père… Mais j’ai envie qu’on essaie ensemble… Je veux apprendre à t’aider… à être là pour toi et Paul… Est-ce qu’on peut essayer encore une fois ? »
Je le regarde longtemps sans rien dire. J’aimerais croire à ses mots mais j’ai peur d’espérer encore pour rien.
Aujourd’hui je suis rentrée à la maison avec Paul et Camille essaie vraiment d’être plus présent. Mais au fond de moi la blessure reste vive.
Est-ce qu’on peut vraiment réparer ce qui a été brisé par tant d’indifférence et de solitude ? Ou bien faut-il accepter que parfois l’amour ne suffit pas pour sauver une famille ?