J’ai découvert par hasard le secret de ma belle-fille : dois-je tout révéler à mon fils ?
« Je t’aime, mon amour. À ce soir. »
La phrase s’est affichée sur l’écran du téléphone, posé là, sur la table de la cuisine, alors que je versais l’eau frémissante dans la tasse de Camille. Mon cœur a raté un battement. Ce n’était pas mon téléphone, mais celui de ma belle-fille. Et ce n’était pas la voix de mon fils que j’entendais dans ces mots, mais celle d’un inconnu, signée « Ton Julien ».
Je n’ai pas cherché à lire. Je n’ai pas fouillé. Mais le message était là, lumineux, impossible à ignorer. J’ai senti mes mains trembler, la théière vaciller. Camille est entrée à ce moment précis, insouciante, souriante :
— Oh, merci beaucoup, Françoise ! Tu es un amour.
Je me suis forcée à sourire. J’ai posé la tasse devant elle, évitant son regard. Mon fils, Thomas, était dans le salon avec leur petite fille, Zoé, qui riait aux éclats devant un dessin animé. Tout semblait normal. Mais moi, je savais. Ou plutôt, je croyais savoir.
Le reste de la journée s’est déroulé comme dans un brouillard. Les rires de Zoé me paraissaient lointains, les discussions anodines entre Thomas et Camille sonnaient faux à mes oreilles. Je me suis surprise à observer chaque geste de Camille : sa façon de regarder mon fils, d’embrasser sa fille… Était-ce du théâtre ? Depuis combien de temps mentait-elle à Thomas ?
Le soir venu, alors que tout le monde dormait, je me suis assise dans la cuisine, seule avec mes pensées. J’ai repensé à mon propre mariage, à la confiance fragile qui unit deux êtres. J’ai pensé à Thomas enfant, à ses chagrins d’école, à ses rêves d’adulte… Et maintenant ? Devais-je lui briser le cœur ? Ou bien me taire et laisser ce secret me consumer ?
Le lendemain matin, j’ai croisé Camille dans l’entrée.
— Tu as bien dormi ? m’a-t-elle demandé avec douceur.
J’ai hoché la tête sans répondre. Elle a baissé les yeux, gênée. Avait-elle deviné que j’avais vu le message ? Ou était-ce simplement ma propre culpabilité qui me faisait voir des signes partout ?
Les jours ont passé. Je me suis surprise à espionner malgré moi : un regard furtif sur son téléphone posé sur la table, une oreille tendue lorsqu’elle téléphonait dans le jardin… Je me détestais pour ça. Mais comment faire autrement ?
Un soir, alors que Thomas était parti faire des courses et que Zoé dormait déjà, Camille est venue me trouver dans la cuisine.
— Françoise… Est-ce que tout va bien ? Tu as l’air préoccupée ces derniers temps.
J’ai senti les larmes monter. J’ai voulu parler, tout lui dire : « Je sais ! Je sais ce que tu fais ! » Mais aucun mot n’est sorti. Elle m’a prise dans ses bras sans comprendre.
— Tu sais, tu peux tout me dire…
J’ai éclaté en sanglots. Elle m’a serrée plus fort.
— Je t’aime beaucoup, tu sais. Tu es comme une deuxième maman pour moi.
Ces mots m’ont transpercée comme une lame. Comment pouvait-elle me dire ça alors qu’elle trahissait mon fils ?
Cette nuit-là, j’ai pris une décision : je devais en parler à quelqu’un. J’ai appelé ma sœur, Hélène.
— Tu ne peux pas garder ça pour toi, Françoise ! C’est trop lourd… Mais réfléchis bien : si tu dis tout à Thomas et que tu te trompes ? Si c’était juste un malentendu ?
Et si c’était vrai ? Si Camille menait une double vie sous notre toit ?
Les semaines ont passé. J’ai observé Camille et Thomas s’éloigner peu à peu. Les disputes devenaient plus fréquentes, les silences plus lourds. Un soir, Thomas est venu dîner chez moi seul.
— Maman… Tu trouves pas que Camille est distante en ce moment ?
J’ai senti mon cœur se serrer.
— Tu sais… Les couples traversent parfois des tempêtes…
Il a soupiré.
— J’ai peur qu’elle ne m’aime plus.
J’aurais voulu lui dire la vérité. Mais je n’en ai pas eu la force.
Quelques jours plus tard, tout a éclaté. Thomas a découvert par lui-même des messages sur l’ordinateur familial. Il est venu chez moi en larmes.
— Elle me trompe, maman… Depuis des mois… Comment j’ai pu être aussi aveugle ?
Je l’ai pris dans mes bras comme lorsqu’il était petit. J’ai pleuré avec lui.
Camille est partie vivre chez sa sœur. Zoé passe une semaine sur deux chez moi maintenant. La maison est silencieuse, trop grande pour tant de souvenirs brisés.
Parfois je me demande : ai-je eu tort de me taire ? Aurais-je dû parler plus tôt ? Ou bien ai-je protégé mon fils d’une douleur prématurée ?
Et vous… Qu’auriez-vous fait à ma place ? Peut-on vraiment protéger ceux qu’on aime de la vérité ?