« Maman m’a promis l’appartement de Mamie… puis elle a tout changé après mon mariage » : Mon histoire de trahison familiale

« Tu comprends, Camille, ce n’est pas si simple… »

La voix de ma mère tremble, mais je n’arrive pas à ressentir de la compassion. Je suis debout dans le salon, les bras croisés, le cœur battant à tout rompre. Paul, mon mari depuis à peine trois semaines, me regarde sans oser intervenir. Il sait que ce moment est crucial pour moi.

Je revois encore la scène, il y a quelques mois, dans cette même pièce. Maman souriait, papa hochait la tête : « Après ton mariage, l’appartement de Mamie sera pour vous deux. C’est normal, tu démarres ta vie. » J’avais cru à cette promesse comme on croit au retour du printemps après un hiver trop long. Paul et moi avions tout planifié : le prêt bancaire, les meubles d’occasion chinés sur Le Bon Coin, les rideaux cousus par ma tante Sylvie…

Mais ce matin, tout s’écroule. Maman m’a appelée d’une voix blanche : « Camille, il faut qu’on parle. » Je suis venue en courant, inquiète. Et là, elle m’a lâché la bombe : « Je divorce de ton père. Je vais garder l’appartement de Mamie pour moi. »

J’ai cru que le sol se dérobait sous mes pieds.

« Mais… tu avais promis ! »

Ma voix se brise. Je sens la colère monter, brûlante, acide. Paul pose une main sur mon épaule mais je la repousse. J’ai besoin de comprendre.

« Camille, tu ne peux pas comprendre ce que je vis avec ton père… »

Je coupe net :

« Et moi alors ? Tu penses à moi ? À nous ? On a tout organisé en fonction de ta parole ! On n’a pas les moyens d’acheter ailleurs ! »

Maman baisse les yeux. Elle a l’air plus vieille soudain, fatiguée. Mais je n’arrive pas à compatir. Toute ma vie, j’ai été la fille modèle : bonne élève, jamais un mot plus haut que l’autre, toujours là pour aider à la maison pendant que maman travaillait tard à l’hôpital.

Papa n’est pas là aujourd’hui. Il est parti chez son frère à Lyon « pour réfléchir », m’a dit maman. Je sens qu’elle attend que je prenne son parti. Mais je ne peux pas.

Paul tente d’apaiser la situation :

« Madame Lefèvre… On comprend que c’est difficile pour vous aussi. Mais on a vraiment besoin d’un toit. On ne peut pas rester dans notre studio à Montreuil avec tous nos cartons… »

Maman soupire :

« Je suis désolée, Paul. Je n’ai pas le choix. Je ne peux pas rester avec ton père une minute de plus. Et je n’ai pas les moyens de me reloger ailleurs non plus… »

Je sens les larmes monter. J’ai envie de hurler.

Les jours suivants sont un enfer. Papa m’appelle en cachette :

« Ta mère est folle ! Elle veut tout garder pour elle ! Et toi, tu comptes faire quoi ? »

Je me sens prise au piège entre deux feux. Paul commence à perdre patience :

« Camille, il faut qu’on avance. On ne peut pas attendre indéfiniment que ta famille règle ses histoires… »

Mais comment avancer quand on a l’impression que tout s’effondre ?

Je repense à tous ces dimanches chez Mamie, à sentir l’odeur du gâteau aux pommes dans la cuisine, à jouer aux cartes avec mes cousins dans le salon tapissé de photos jaunies… Cet appartement n’était pas qu’un toit : c’était notre histoire, notre refuge.

Un soir, alors que je rentre du travail épuisée, je trouve maman assise sur un banc devant notre immeuble.

« Camille… Je suis désolée. Vraiment. Mais j’ai besoin de penser à moi pour une fois. Toute ma vie j’ai fait passer les autres avant moi… Ton père ne m’aime plus depuis des années. J’ai tenu pour toi, pour que tu puisses grandir dans une famille unie… Mais maintenant j’étouffe. »

Je m’assieds à côté d’elle. Je sens sa détresse mais je n’arrive pas à lui pardonner.

« Et moi alors ? Tu penses que je vais réussir à te faire confiance après ça ? Tu m’as menti… »

Elle pleure en silence.

Les semaines passent. Paul et moi trouvons une colocation minable à Saint-Denis en attendant mieux. Les cartons s’empilent dans le couloir ; nos rêves aussi.

Papa m’en veut de ne pas prendre son parti ouvertement. Maman m’en veut de ne pas comprendre sa souffrance. Je me sens seule au monde.

Un soir d’automne, alors que la pluie tambourine contre les vitres du salon miteux où nous vivons désormais, Paul me prend la main :

« Tu sais… On va s’en sortir tous les deux. Même sans appartement, même sans famille parfaite. Ce qui compte c’est nous deux. »

Je voudrais le croire.

Mais comment reconstruire quand la confiance est brisée ? Comment pardonner à celle qui m’a trahie au moment où j’avais le plus besoin d’elle ?

Et vous… Auriez-vous pu pardonner à votre mère ? Peut-on vraiment tourner la page quand tout ce qu’on croyait solide s’effondre en un instant ?