Mon fils nous présente sa fiancée… et je découvre qu’elle a détruit la vie de ma fille

— Maman, Papa… je vous présente Camille, dit Thomas en tenant la main de la jeune femme qui se tenait à côté de lui, le sourire un peu crispé.

Je me suis figée. Mon cœur s’est arrêté une seconde. Camille. Ce prénom, ce visage. Je l’ai reconnu immédiatement, malgré les années. Les cheveux plus courts, le regard moins dur qu’autrefois, mais c’était bien elle. Camille, celle qui avait fait vivre un enfer à ma fille Élodie au lycée. Celle qui avait transformé ses années d’adolescence en cauchemar.

J’ai senti le sang quitter mon visage. Mon mari, Philippe, n’a rien remarqué. Il s’est levé pour serrer la main de Camille, tout sourire :

— Enchanté ! Installez-vous, faites comme chez vous !

J’ai jeté un regard à Élodie, assise à l’autre bout de la table. Elle était pâle, les yeux écarquillés, la fourchette suspendue dans les airs. Elle aussi avait reconnu Camille. Un silence pesant s’est abattu sur la pièce.

Thomas n’a rien vu. Il était trop heureux, trop fier de nous présenter celle qu’il aimait. J’ai tenté de reprendre contenance, de sourire, mais mes mains tremblaient en servant le gratin dauphinois.

Le repas a commencé dans une ambiance étrange. Philippe posait des questions banales :

— Alors Camille, tu fais quoi dans la vie ?

— Je travaille dans une agence de communication à Lyon…

Sa voix était douce, posée. Rien à voir avec la jeune fille cruelle que j’avais connue autrefois. Mais moi, je n’entendais que les pleurs d’Élodie derrière la porte de sa chambre, il y a dix ans. Les mots blessants griffonnés sur son casier. Les moqueries dans la cour du lycée.

Élodie n’a presque pas touché à son assiette. Je voyais ses mains crispées sur sa serviette. J’aurais voulu lui prendre la main, lui dire que tout allait bien se passer… Mais comment ? Comment lui demander d’oublier ?

Après le dessert, Thomas a annoncé :

— On voulait vous dire… On s’est fiancés !

Philippe a applaudi, ravi. Moi, j’ai senti mon cœur se serrer encore plus fort. Élodie s’est levée brusquement :

— Excusez-moi… Je dois sortir.

Elle a quitté la pièce sans un mot de plus. Un silence gênant s’est installé. Thomas a regardé Camille, inquiet :

— Maman… il y a un problème ?

J’ai baissé les yeux. Je ne savais pas quoi dire. Devais-je tout révéler ? Devais-je gâcher le bonheur de mon fils ?

Camille a pris la parole d’une voix tremblante :

— Je crois… Je crois que je dois vous dire quelque chose.

Elle a regardé Thomas dans les yeux, puis moi.

— Madame Martin… Je sais que vous me reconnaissez. Et je sais aussi ce que j’ai fait à Élodie au lycée. Je n’ai jamais eu le courage de m’excuser. J’étais jeune, bête… cruelle même. Je ne me pardonne pas ce que j’ai fait.

Thomas s’est tourné vers moi, abasourdi :

— De quoi elle parle ?

J’ai pris une grande inspiration.

— Camille faisait partie du groupe qui harcelait ta sœur au lycée. Elle lui a fait beaucoup de mal…

Thomas s’est levé d’un bond.

— C’est une blague ? Camille ? Toi ?

Camille avait les larmes aux yeux.

— Je comprends si tu veux tout arrêter… Mais je t’en supplie, laisse-moi au moins m’excuser auprès d’Élodie.

Philippe est resté silencieux, désemparé. Moi, j’avais envie de hurler à l’injustice : pourquoi fallait-il que le passé revienne ainsi détruire notre fragile équilibre familial ?

Thomas est sorti rejoindre Élodie dans le jardin. J’ai entendu leurs voix monter dans l’air du soir :

— Tu savais que c’était elle ?
— Oui… mais je ne voulais pas te gâcher ton bonheur.
— Mais pourquoi tu ne m’as rien dit ?
— Parce que c’est ton choix… et que tu mérites d’être heureux.

Je suis restée seule avec Camille dans la salle à manger. Elle pleurait en silence.

— Je suis désolée… Vraiment désolée…

Je n’ai rien répondu. J’étais partagée entre la colère et la compassion. Les gens changent-ils vraiment ? Peut-on pardonner l’impardonnable ?

La soirée s’est terminée dans un malaise glacial. Thomas et Élodie sont revenus, les yeux rouges mais calmes. Camille est partie sans un mot de plus.

Depuis ce jour, notre famille est brisée en deux camps : ceux qui pensent qu’il faut donner une seconde chance à Camille, et ceux qui refusent d’oublier ce qu’elle a fait subir à Élodie.

Je me demande chaque soir : ai-je bien fait de laisser le passé ressurgir ? Peut-on vraiment tourner la page quand les blessures sont si profondes ? Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?