« Lève-toi et fais-moi un café ! » – Comment mon beau-frère a gâché notre week-end familial et pourquoi je ne peux pas pardonner à mon mari

« Lève-toi et fais-moi un café ! »

La voix de Paul résonne encore dans ma tête, sèche, autoritaire, comme un ordre lancé à une domestique. Il est 8h du matin, un samedi que j’espérais paisible. Je serre la mâchoire, les mains crispées sur la couverture. Je n’ai pas dormi de la nuit. Paul, mon beau-frère, s’est installé chez nous il y a deux semaines, soi-disant « le temps de se retourner » après sa rupture. Mais chaque jour, il s’impose un peu plus dans notre vie, comme s’il était chez lui.

Julien, mon mari, assis à côté de moi sur le canapé, baisse les yeux. Il ne dit rien. Il ne dit jamais rien. Je sens la colère monter en moi, une colère froide, sourde, qui me ronge depuis des jours.

— Tu pourrais répondre à ton frère, non ?

Julien soupire, évite mon regard. Paul, lui, s’étire bruyamment dans la cuisine.

— Bah alors ? On n’a plus de café dans cette maison ou quoi ?

Je me lève finalement, plus pour fuir la tension que pour obéir. Dans la cuisine, Paul me lance un sourire narquois.

— Merci, belle-sœur. Tu sais que t’es la meilleure ?

Je serre les dents. Je verse l’eau dans la cafetière en silence. J’ai envie de hurler. Depuis qu’il est là, il laisse traîner ses affaires partout, monopolise la télé avec ses émissions débiles, critique ma cuisine (« Chez maman c’était meilleur »), et ne lève pas le petit doigt pour aider. Pire : il se permet des réflexions déplacées devant nos enfants.

Hier soir encore, alors que je tentais d’endormir Lucie et Arthur, il a débarqué dans leur chambre en hurlant :

— Les gosses ! On se couche à 20h ici ? C’est pas une vie !

Lucie a pleuré. Arthur s’est renfermé. J’ai passé la soirée à les consoler pendant que Paul ouvrait une bière devant Julien, hilare.

J’ai essayé d’en parler à Julien. Plusieurs fois. Mais il se défile toujours :

— C’est mon frère… Il traverse une mauvaise passe… On ne va pas le mettre dehors…

Mais à quel prix ? À quel moment ma maison est-elle devenue un terrain vague où chacun fait ce qu’il veut sauf moi ?

Ce matin-là, alors que je pose la tasse devant Paul, il ne me regarde même pas.

— T’as pas des croissants aussi ?

Je sens mes mains trembler. Je quitte la pièce sans répondre. Dans le couloir, j’entends Julien tenter timidement :

— Tu pourrais être un peu plus…

Paul l’interrompt :

— Oh ça va ! T’as vu la tête qu’elle fait ta femme ? Elle est jamais contente !

Je m’enferme dans la salle de bains et je pleure. Je pleure de rage, d’impuissance. J’ai l’impression d’étouffer dans ma propre maison.

Le soir venu, je décide d’agir. Après avoir couché les enfants (non sans difficulté : Lucie refuse que « tonton Paul » lui dise bonne nuit), je rejoins Julien dans le salon.

— Il faut qu’il parte.

Julien sursaute.

— Mais… Il n’a nulle part où aller !

— Ce n’est plus possible. Je ne dors plus. Les enfants sont stressés. Il me parle comme à une boniche et toi tu ne dis rien !

Julien baisse la tête.

— Tu dramatises…

Je sens la colère exploser.

— Non ! C’est toi qui refuses de voir ! C’est ta famille mais c’est aussi la mienne ici ! J’ai le droit d’être respectée !

Paul entre à ce moment-là, une bière à la main.

— Oh là là… On s’engueule encore ? Vous êtes chiants tous les deux !

Je me lève brusquement.

— Paul, tu dois partir. Demain.

Il éclate de rire.

— Sérieux ? T’es qui pour décider ça ?

Julien ne dit rien. Il regarde ses pieds. Je sens mon cœur se briser.

— Je suis chez moi ici. Et tu n’as aucun respect pour nous.

Paul hausse les épaules.

— Bah si c’est comme ça…

Il claque la porte du salon et monte dans sa chambre d’amis en râlant. Julien reste silencieux longtemps.

— Tu aurais pu être plus patiente…

Je le regarde avec des yeux pleins de larmes.

— Plus patiente ? Et toi ? Tu aurais pu me défendre…

La nuit est longue. Le lendemain matin, Paul part sans dire au revoir. Julien m’évite toute la journée. Les enfants sentent la tension et restent collés à moi.

Les jours passent mais rien ne s’apaise vraiment entre nous. J’ai du mal à pardonner à Julien son absence de soutien. J’ai l’impression d’avoir été trahie par celui qui aurait dû être mon allié.

Aujourd’hui encore, je me demande : jusqu’où doit-on aller par solidarité familiale ? À quel moment doit-on dire stop pour se protéger soi-même et protéger ceux qu’on aime ? Est-ce égoïste de vouloir être respectée chez soi ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?