Mon mari, l’avare : Je rêve de divorce – Mon histoire de cage dorée et de solitude
« Tu as vraiment acheté du fromage à ce prix-là ? » La voix de Laurent résonne dans la cuisine, tranchante comme un couteau. Je serre le paquet contre moi, honteuse, alors que le silence s’installe entre nous. Ce n’est qu’un morceau de comté, mais pour lui, c’est une trahison. Je baisse les yeux, cherchant une excuse qui ne viendra pas.
Je m’appelle Camille, j’ai trente-huit ans, et je vis à Lyon depuis dix ans avec Laurent. Quand je l’ai rencontré, il était charmant, drôle, attentionné. Il m’emmenait au théâtre, me surprenait avec des fleurs du marché. Mais aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’un souvenir lointain. Je vis dans une cage dorée où chaque centime dépensé est un crime.
« Tu ne comprends pas, Camille ! On ne peut pas se permettre ce genre de dépenses inutiles ! » Il s’énerve encore, les veines de son cou tendues. Je voudrais lui crier que ce n’est pas le fromage qui nous ruinera, mais sa froideur, son obsession maladive pour l’argent. Mais je me tais. J’ai appris à me taire.
Le soir, je m’assois sur le canapé, seule. Laurent est déjà devant son ordinateur à vérifier nos comptes bancaires. Je regarde la télévision sans la voir. Mon esprit vagabonde : comment en suis-je arrivée là ?
Ma mère me disait toujours : « Le mariage, c’est des compromis. » Mais est-ce vraiment un compromis quand on s’efface complètement ? Quand on n’ose plus s’acheter un livre ou inviter une amie à prendre un café parce qu’on sait que ça finira en dispute ?
Un jour, j’ai surpris une conversation entre Laurent et sa sœur, Sophie. Elle lui reprochait sa radinerie :
— Tu ne peux pas continuer comme ça avec Camille ! Elle n’est pas ta prisonnière !
— Tu ne comprends pas, Sophie. Il faut penser à l’avenir.
— Mais quel avenir si tu la rends malheureuse ?
J’ai eu envie de pleurer en entendant ces mots. Quel avenir pour moi ? Je me sens invisible, réduite à une gestionnaire de budget domestique.
Les disputes sont devenues notre quotidien. Pour un paquet de biscuits, pour une sortie au cinéma annulée parce que « c’est trop cher », pour un pull acheté en soldes mais jugé « superflu ». J’ai arrêté d’inviter mes amies à la maison ; j’ai trop honte de devoir justifier chaque dépense devant elles.
Un soir d’hiver, alors que la pluie battait contre les vitres et que la ville semblait engloutie dans la grisaille, j’ai craqué.
— Laurent, tu te rends compte que tu ne souris plus jamais ? Que tu ne me touches plus ?
Il a haussé les épaules.
— On a d’autres priorités.
— Mais moi ? Je compte encore pour toi ?
Il n’a rien répondu. Son silence a été plus violent que n’importe quel mot.
J’ai commencé à rêver de divorce. À imaginer ma vie sans lui, sans cette oppression quotidienne. Mais la peur me paralyse : peur du regard des autres, peur de tout recommencer à zéro à mon âge, peur de ne pas m’en sortir financièrement.
Un dimanche matin, alors que je préparais le petit-déjeuner, ma fille Léa m’a demandé :
— Maman, pourquoi tu es toujours triste ?
Son innocence m’a brisé le cœur. Je ne veux pas qu’elle grandisse en pensant que l’amour rime avec privation et silence.
J’ai essayé d’en parler à ma mère. Elle m’a dit :
— Tu sais, Camille, il faut parfois penser à soi. Tu n’es pas égoïste si tu veux être heureuse.
Mais comment faire quand on a construit toute sa vie autour d’un homme qui ne voit plus en vous qu’une source d’économies ?
J’ai consulté une avocate. Juste pour savoir. Elle m’a expliqué mes droits, les démarches. J’ai pleuré dans son bureau en réalisant que j’avais le droit d’exister en dehors du couple.
Le soir même, Laurent a remarqué mon trouble.
— Tu as l’air ailleurs…
— Peut-être parce que je rêve d’être ailleurs…
Il a ri jaune.
— Tu dramatises tout.
Mais ce n’est pas du drame ; c’est ma vie qui se consume à petit feu.
J’ai commencé à écrire dans un carnet tout ce que je ressentais : la colère, la tristesse, mais aussi l’espoir timide d’une autre vie. J’ai repris contact avec mes amies perdues. J’ai accepté un café avec Claire, qui m’a dit :
— Tu mérites mieux que ça, Camille.
Ses mots ont résonné longtemps en moi.
Un soir de printemps, alors que les arbres bourgeonnaient sur les quais du Rhône, j’ai pris ma décision. J’ai regardé Laurent dans les yeux et j’ai dit :
— Je ne peux plus vivre comme ça. J’ai besoin d’air, de lumière… J’ai besoin d’exister.
Il est resté sans voix. Pour la première fois depuis des années, j’ai senti mon cœur battre fort.
Aujourd’hui, je suis encore là, entre deux mondes : celui de la peur et celui de l’espoir. Je ne sais pas si j’aurai le courage d’aller jusqu’au bout. Mais je sais une chose : personne ne devrait avoir à choisir entre l’amour et sa propre dignité.
Est-ce vraiment ça, le prix du bonheur ? Faut-il tout sacrifier pour sauver un couple qui n’existe plus ? Et vous… qu’auriez-vous fait à ma place ?