Quand ma tante et mon cousin ont bouleversé ma vie : l’avertissement que je n’ai pas su écouter
« Claire, fais attention, tante Sylvie et Paul vont s’installer chez toi. »
Je relisais le message de ma sœur, Camille, les mains tremblantes. C’était un soir de novembre, la pluie battait contre les vitres de mon petit appartement à Nantes. Je venais à peine de rentrer du travail, épuisée par une journée interminable à la pharmacie. Je n’avais pas la force de répondre, ni même de réfléchir à ce que cela impliquait vraiment. Tante Sylvie, la sœur de ma mère, et Paul, son fils de vingt ans, allaient débarquer chez moi. « Juste pour quelques semaines », avait dit ma mère au téléphone, mais je connaissais trop bien la famille pour croire à ce genre de promesses.
Le lendemain matin, elles étaient là. Tante Sylvie, tirant une valise cabossée, le visage fermé, et Paul, casque sur les oreilles, l’air absent. « Merci Claire, tu nous sauves la vie », a murmuré ma tante en déposant ses affaires dans l’entrée. J’ai esquissé un sourire crispé. Paul ne m’a même pas regardée.
Les premiers jours ont été tendus mais supportables. Je me répétais que c’était temporaire. Mais très vite, les habitudes se sont installées. Paul passait ses nuits à jouer en ligne, hurlant dans son micro jusqu’à trois heures du matin. Tante Sylvie passait ses journées sur le canapé, à regarder des émissions de télé-réalité en fumant cigarette sur cigarette. L’odeur imprégnait tout l’appartement. Je n’osais rien dire. Après tout, ils étaient « en difficulté », comme disait ma mère.
Un soir, alors que je rentrais plus tôt que d’habitude, j’ai surpris une conversation entre eux.
— Tu crois qu’elle va nous mettre dehors ?
— Elle n’osera jamais. Elle est trop gentille, Claire.
J’ai senti une boule se former dans ma gorge. J’étais chez moi, mais je me sentais étrangère dans mon propre salon.
Les semaines sont devenues des mois. Ma sœur Camille m’appelait souvent :
— Tu tiens le coup ?
— Oui… enfin, je crois.
— Fais attention à toi. Tu sais comment est Sylvie…
Je savais. Mais je ne voulais pas voir la vérité en face.
Un matin d’avril, j’ai découvert que mon compte bancaire avait été débité de plusieurs centaines d’euros pour des achats que je n’avais pas faits. J’ai tout de suite pensé à une erreur de la banque. Mais en fouillant dans mes relevés, j’ai vu des commandes passées à mon adresse. J’ai confronté Paul.
— Tu as utilisé ma carte ?
Il a haussé les épaules :
— Bah… c’était pour des jeux. Je pensais que tu t’en fichais.
Je me suis effondrée en larmes devant lui. Tante Sylvie est arrivée en courant :
— Arrête de faire des histoires pour rien ! On est une famille, non ?
Ce mot – famille – résonnait comme une menace.
À partir de ce jour-là, tout a empiré. Paul ramenait des amis bruyants la nuit. Tante Sylvie me reprochait de ne jamais être là pour elle. Je travaillais plus tard pour éviter de rentrer. Mon appartement était devenu une prison.
Un soir, Camille est venue me voir.
— Claire, tu ne peux pas continuer comme ça. Tu dois leur dire de partir.
— Mais où iront-ils ?
— Ce n’est plus ton problème. Tu t’oublies complètement.
J’ai pleuré dans ses bras comme une enfant.
Le lendemain matin, j’ai pris mon courage à deux mains.
— Sylvie, Paul… Il faut qu’on parle.
Ils m’ont regardée sans un mot.
— Je ne peux plus continuer comme ça. Il faut que vous trouviez une autre solution.
Tante Sylvie a éclaté :
— Après tout ce qu’on a fait pour ta mère ! Tu nous jettes comme des chiens ?
Paul a claqué la porte de sa chambre.
J’ai tenu bon malgré les cris et les reproches. Deux semaines plus tard, ils sont partis sans un mot d’adieu. L’appartement était silencieux pour la première fois depuis des mois. Mais ce silence était lourd de culpabilité et de tristesse.
Aujourd’hui encore, je me demande si j’aurais pu faire autrement. Aurais-je dû être plus ferme dès le début ? Ou bien était-ce inévitable ?
Est-ce qu’on peut vraiment aider sa famille sans se perdre soi-même ? Qu’auriez-vous fait à ma place ?